dimanche 22 juillet 2012

Seule la loi peut organiser la vie de la communauté, car elle change et évolue avec les changements et les évolutions des sociétés.

Aujourd'hui, j'ai eu envie de partager sur mon blog cet excellent article qui appelle à la réflexion de manière posée de la journaliste Sanaa El Aji dont le site personnel est http://www.sanaa-elaji.com/chronique-fr/la-laicite-voila-la-vraie-solution-par-sanaa-el-aji/


Je publie l'intégralité non seulement parce que j'apprécie la teneur de l'article et parce que cet article mérite d'être partagé à un auditoire plus large.

« Il ne s’agit pas d’un conflit entre musulmans et non musulmans, mais d’un antagonisme entre les laïcs et ceux qui veulent intégrer la religion dans tous les détails de la vie courante ». Ainsi s’exprimait un ami imprégné des valeurs humaines et humanistes, dans leur sens le plus large ; un ami dont j’ai lu le message plusieurs fois, encore et encore. Il est vrai que le débat aujourd’hui en cours sur les libertés individuelles, sexuelles et de conscience pourrait prendre l’allure d’un conflit entre « une bande d’athées-mécréants-libertins-ennemis de l’islam » et des musulmans croyants qui ne seraient animés que par la défense pure de valeurs encore plus pures…
Mais les choses ne sont pas aussi simples ni faciles. Je ne pense pas que l’existence soit blanche ou noire car dans toutes les affaires de la vie humaine, en politique comme en sexualité ou encore dans le domaine de la connaissance, une longue palette de tons gris se superpose. On ne peut diviser les sociétés en mécréants et en croyants car entre les deux évoluent tout un ensemble de convictions et de pratiques…
Mais aujourd’hui, et davantage qu’hier, je reste persuadée que la laïcité est LA solution. Séparer la religion de la politique et de l’espace public. C’est là la voie unique et vraie pour dépasser cet extraordinaire enchevêtrement d’hypocrisie, de mensonge à soi et de volonté d’étouffer les libertés de l’Autre. Et le résultat est qu’aujourd’hui de très larges franges de la population préfèrent composer avec la religion pour se préserver un minimum de sérénité et pour offrir une image « respectable » de soi aux autres.
Parmi tous ceux qui se sont élevés contre Mokhtar Larhzioui, combien sont-ils qui, sans hypocrisie et sans dissimulation, n’ont jamais entretenu une relation sexuelle en dehors du cadre conjugal ? Si c’est le respect des préceptes religieux qui les animent, alors la réponse devrait être « tous », sans aucune marge d’erreur possible. Ce qui importe, en définitive, est-ce l’observation des enseignements de la religion ou alors, simplement, la préservation de « l’honneur » de la sœur ?… et à travers tout ce bruit et toute cette intimidation, l’objectif ne serait-il pas une simple recherche de sérénité et du besoin de se présenter sous son meilleur jour à l’Autre ?
Réfléchissons aussi à tous ceux qui se retiennent de consommer des boissons alcoolisées quarante jours avant le début du mois de ramadan… Où donc ont-ils été chercher cette fatwa ? Interrogé, l’un d’eux m’a répondu que la raison résidait dans le fait que l’alcool reste dans le sang quarante jours après en avoir consommé, d’où le fait de cesser de boire des alcools autant de jours avant le mois du jeûne. Mon interlocuteur a ajouté que cela a été scientifiquement établi. Mon propos ici n’est pas de discuter sur la licité ou non de l’alcool, mais plutôt de ces accommodements que les gens se trouvent avec certaines questions. D’abord, et pour revenir sur l’aspect scientifique avancé par notre ami, l’argument n’est pas valable. En effet, l’alcool est éliminé du corps quelques heures seulement après sa consommation… dans le cas contraire, imaginons cette personne qui a bu quelque vin ou un peu de bière et qui, dix jours après, soumis à un alcootest au Maroc ou ailleurs, découvre que son taux d’alcoolémie reste élevé… Serait-ce à dire que toute personne qui aurait ingéré de l’alcool ne pourrait plus conduire de voiture pendant une période de quarante jours ? Cela ne semble pas très logique… et nous parlons ici le langage du droit et de la science. Ainsi donc, se priver de la consommation d’alcools quarante jours avant le début du ramadan autoriserait-il finalement à en prendre les autres mois de l’année ? Cela rendrait-il l’alcool licite les autres jours, en dehors de ramadan et des quarante jours qui le précèdent ? Laissons la question ouverte…
Le problème est que toutes ces questions, en définitive, se réduisent à la suivante : « Es-tu musulman, ou non ? », « es-tu contre l’islam, ou en sa faveur ? ». Une scène me revient à l’esprit, une scène où l’on voit à la télévision la lutte du peuple égyptien. Sur la place Tahrir, un manifestant brandissait le drapeau saoudien, et voilà qu’une jeune Egyptienne l’aborde pour lui faire remarquer qu’il ne s’agissait pas là de l’étendard de l’islam, mais des couleurs d’un autre pays, simplement, et qu’il lui serait plus indiqué de porter les couleurs de l’Egypte. L’homme avait alors eu cette réponse on ne peut plus simpliste : « Es-tu musulmane ou non ?… Parfois, il m’arrive de me demander si cette question n’est pas devenue l’argument suprême de ceux qui n’ont aucun autre argument…
Il ne s’agit donc pas d’un antagonisme entre ceux qui veulent l’application de l’islam et ceux qui la refusent. Il ne s’agit pas non plus d’un conflit entre croyants et mécréants, non… Nous sommes ici face à une véritable lutte entre ceux qui veulent imposer les enseignements de la religion dans tous les aspects de la vie (du moins dans les discours et les professions de foi, car la réalité est toute autre), et ceux qui considèrent que le fait religieux, pour nécessaire qu’il soit, relève de la sphère personnelle, individuelle, privée… Il est impossible d’imposer la foi et la croyance aux gens ; seule la loi doit pouvoir organiser l’existence et la coexistence des individus, car la loi évolue avec les changements des sociétés, les accompagnent, les épousent. Car la loi est une création humaine, le droit est le fait de l’Homme, et qu’en conséquence, il n’est ni intangible ni immuable. Et bien évidemment, de même que la loi confère aux individus le plein droit de ne pas respecter les obligations religieuses et de mener leurs existences comme ils l’entendent, cette même loi doit pouvoir donner aux gens, minoritaires soient-ils ou majoritaires, le droit de pratiquer leurs fois et leurs cultes comme ils le souhaitent, sûrement et assurément.
Il s’agit là, en effet, d’une solution qui rendrait les individus responsables de leurs actes, de leurs choix, de leurs comportements et de leurs convictions.
Sanaa El Aji

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