Chaque été, il m'est impossible de ne pas revenir sur le drame de la guerre de Bosnie. Mes souvenirs sont noyautés de plein de noms de villes et villages martyrisés, pris au piège de la haine et de l'injustice, au coeur même de l'Europe moderne, dans des actes annonciateurs de nouvelles formes de guerres et préliminaires à des atrocités à venir qui non seulement n'ont pas cessé mais se sont développées un peu partout de manière plus effroyable et plus douloureuse. Ce qu'on vit aujourd'hui en Europe, à travers les attentats terroristes qui frappent d'innocentes victimes, n'est que le prolongement sous une autre forme des conflits du début des années 90 dont on a étouffé les flammes mais pas éteint les braises toujours brûlantes.
Au coeur de l'Europe, on a laissé faire le massacre des innocents en Yougouslavie refusant de s'immiscer dans les affaires d'un pays en pleine crise économique et dont le nationalisme serbe devenait étouffant pour des peuples qui ne trouvaient plus leur place dans la fédération Yougoslave sous une direction absolue de Milosevic. L'inévitable pris la forme d'un divorce explosif entre des peuples qui laissèrent se défouler une haine meurtrière au détriment de tous. L'union vola en éclat sous le cri des martyrisés et le fracas des destructions. 20 ans plus tard, les peuples de l'ex Yougoslavie continuent à panser des plaies encore visibles.
Aujourd'hui, j'ai voulu donner la parole à un témoin vivant de ce conflit. Une infirmière bénévole de l'ex association Equilibre qui avait voulu apporter un peu de réconfort à des populations en détresse à ses risques et périls. A cette époque, elle était belle, mère de plusieurs enfants en bas âge, épanouie avec plein de généreuses idées dans la tête. Cette infirmière a roulé sa bosse, en Afrique mais aussi en Tchéchénie lors de la première guerre. Elle avait fait partie du célèbre convoi de camions parti ravitaillé les populations civiles très meurtries par les atroces combats entre l'armée russe et les indépendantistes tchèchènes. Elle s'est retrouvée aussi en Bosnie du côté de Bosna. Les souvenirs de plusieurs mois de missions bénévoles à travers le monde ne s'effacent pas d'un coup de baguette magique, ils sont ancrés en soi et certains faits d'actualité agissent comme des déclencheurs, réveillant des douleurs psychologiques. Quand je l'ai rencontrée, il y a quelques mois alors que j'entamais mes recherches bibliographiques, je m'attendais à croiser une femme usée par l'âge, le travail et surtout les souvenirs de ses missions humanitaires. Bien au contraire!, j'ai rencontré une femme pleine d'assurance, toujours aussi belle et encore une soif d'aider son prochain mais quelque chose de profond s'était brisé en elle. La peur avait fait son nid en elle. Les missions humanitaires, c'était du passé, fini et pour cause.
Au coeur de l'Europe, on a laissé faire le massacre des innocents en Yougouslavie refusant de s'immiscer dans les affaires d'un pays en pleine crise économique et dont le nationalisme serbe devenait étouffant pour des peuples qui ne trouvaient plus leur place dans la fédération Yougoslave sous une direction absolue de Milosevic. L'inévitable pris la forme d'un divorce explosif entre des peuples qui laissèrent se défouler une haine meurtrière au détriment de tous. L'union vola en éclat sous le cri des martyrisés et le fracas des destructions. 20 ans plus tard, les peuples de l'ex Yougoslavie continuent à panser des plaies encore visibles.
Aujourd'hui, j'ai voulu donner la parole à un témoin vivant de ce conflit. Une infirmière bénévole de l'ex association Equilibre qui avait voulu apporter un peu de réconfort à des populations en détresse à ses risques et périls. A cette époque, elle était belle, mère de plusieurs enfants en bas âge, épanouie avec plein de généreuses idées dans la tête. Cette infirmière a roulé sa bosse, en Afrique mais aussi en Tchéchénie lors de la première guerre. Elle avait fait partie du célèbre convoi de camions parti ravitaillé les populations civiles très meurtries par les atroces combats entre l'armée russe et les indépendantistes tchèchènes. Elle s'est retrouvée aussi en Bosnie du côté de Bosna. Les souvenirs de plusieurs mois de missions bénévoles à travers le monde ne s'effacent pas d'un coup de baguette magique, ils sont ancrés en soi et certains faits d'actualité agissent comme des déclencheurs, réveillant des douleurs psychologiques. Quand je l'ai rencontrée, il y a quelques mois alors que j'entamais mes recherches bibliographiques, je m'attendais à croiser une femme usée par l'âge, le travail et surtout les souvenirs de ses missions humanitaires. Bien au contraire!, j'ai rencontré une femme pleine d'assurance, toujours aussi belle et encore une soif d'aider son prochain mais quelque chose de profond s'était brisé en elle. La peur avait fait son nid en elle. Les missions humanitaires, c'était du passé, fini et pour cause.
La discussion avait été très nourrie, intense, enrichissante jusqu'au moment où elle évoqua sa vraie dernière mission, l'ultime, celle qui vous marque pour le restant de vos jours. de longues secondes s'écoulèrent avant de poursuivre l'échange autour d'un café qui avait fini par refroidir.
Elle connut ce que les associations humanitaires redoutent par dessus tout, une prise d'otages qui dans notre cas, allait durer plusieurs mois pas en Bosnie mais au Daghestan à Makhatchkala, plus précisément. C'était un 2 août 1997.
Cet été 1997, la situation était tendue dans le Caucase et les finances de l'association Equilibre n'étaient pas au mieux mais elle ne voulait pas abandonné les nombreux projets mis en place en faveur des populations civiles. L'association était devenue dans le domaine humanitaire incontournable et son président Alain Michel ne s'était pas fait que des amis dans le milieu. Il était sous tous les fronts et l'annonce de cette prise d'otages qui ne fut pas tout de suite annoncée au public allait être le coup fatal qui allait précipiter l'association dans le dépôt de bilan mais en attendant, la priorité était de savoir comment prendre contact avec les preneurs d'otages pour d'une part prendre des nouvelles de l'équipe de l'association "Equilibre" et surtout trouver rapidement les moyens de faire libérer le groupe d'humanitaires.
Et ce 2 Août 1997, les choses se présentaient très mal. 1 mois avant, dans la nuit du 1 au 2 juillet 1997, Christophe André était enlevé dans les locaux de MSF (Médecins sans frontières à Nazran, capitale de l'Ingouchie, république de la fédération de Russie et proche de la Tchétchénie. Des bandits Tchétchenes étaient soupçonnés dans l'enlèvement. Il faut savoir qu'en ces temps là, tous les moyens étaient bons pour se procurer des armes et ça passait souvent par les braquages, enlèvements avec demandes de rançons.Les enlèvements frappaient aussi bien les occidentaux que les russes ou les autochtones. Les otages étaient échangés contre des prisonniers ou de l'argent et même si les représentants étatiques criaient haut et fort qu'ils refusaient de négocier, tout le monde savait que dans les coulisses, ça marchandait à bâton rompu. Il fallait juste que chacun sauve la face et les Français n'ont jamais dérogé à la règle.
Le calvaire des otages de l'association Equilibre allait durer 3 mois et demi jusqu'à leur libération sains et saufs le 17 Novembre 1997.
Si je m'arrêtais ici, chers lecteurs, vous serez en droit de vous demander pourquoi cet article ? Qu'apporte t-il de plus à la compréhension de l'évènement qui s'est déroulé entre le 02/08/1997 et le 17/11/1997 plusieurs jours après que l'autre otage Christophe André de MSF réussit à s'échapper et après surtout une visite du président Jacques Chirac en Russie.
La suite, vous l'aurez dans la matinée, dans l'interview que j'ai donné à cet ancien otage dont je suis dans l'obligation de taire le nom et qui pour la première fois se livre 19 ans après son enlèvement et dévoile la réalité de cette prise d'otages sur laquelle plane silence et mensonge. Avant de vous livrer cet interview, il s'agit de préciser plusieurs choses. Les otages devaient être décorés. Ils ont unanimement refusé. Les noms des otages ne devaient pas être dévoilés, ils le furent du moins en partie mais le plus inquiétant, c'est qu'on nous a caché le nombre exacte d'otages. Je m'en étais rendu compte lors de mes lectures. On parlait de 3 membres d'Equilibre et d'un ami visiteur, puis de 4 Membres d'Equilibre, ensuite de 5 otages sans savoir si on intégrait le membre de MSF et on parlait souvent de 4 otages Français. La confusion était totale dans mon esprit avant que me soit donnée l'explication incroyable qui m'a permis de comprendre l'objet du silence radio durant plus d'un mois. Ce n'était pas simplement pour préserver la vie des otages mais surtout pour étouffer une affaire qui était devenue diplomatiquement très embarrassante pour l'Etat Français.
références: lien1 ,lien2,
lien3
Mon témoin ayant souhaité continuer à garder l'anonymat, dans l'échange, je l'ai nommé : "Christine" avec son accord.
TH: Il y a exactement 19 ans, jour pour jour, vous et les membres de votre équipe de l'association Equilibre étaient enlevés. Comment avez vous ressenti ce triste anniversaire et comment avez vous vécu cette journée du 02 Août 1997 ?
Christine: 19 ans, ça ne me rajeunit pas et on a pourtant l'impression que c'était hier. On ressent toujours une certaine crainte, des frissons et surtout une permanente douleur psychologique.
Même comme ce fut mon cas, on passe par une importante thérapie, le souvenir reste ancré dans l'esprit, la douleur permanente, inoubliable. On prend pour la vie.
J'avais cru pouvoir oublier, reprendre une vie normale. Je n'y suis pas arrivée et pourtant, je n'avais pas eu à subir la médiatisation de ma libération. J'avais choisi de rester anonyme pour me protéger, protéger ma famille mais ça n'avait servi à rien. Ma vie est toujours hantée par ses 3 mois 1/2 de captivité et ce depuis 19 ans. J'ai pris pour la vie.
Ce 2 août 1997 on était dans notre base. je n'étais pas rassurée du tout. Un compatriote avait été enlevé 1 mois avant. On était sous nos gardes, on était en début d'après midi et on s'apprêtait à partit en mission quand un groupe d'une vingtaine de combattants débarqua et nous emmena à l'arrière d'un camion, mains liées au dos, yeux bandés pour une destination inconnue.
Notre cauchemar venait de commencer. On était enfermé dans une minuscule pièces d'à peine 8 m2 avec des nattes au sol, à 6 avec pour nos besoins, un simple seau. La nourriture était immonde et nous étions régulièrement frappés à coup de cross, humiliés et menacés.
Il y avait 4 français dont moi, un anglais et un allemand qui sera froidement abattu 15 jours plus tard par hasard.
Cela aurait pu être n'importe qui d'autre du groupe. Ce jour là, on était ensemble dans le noir et un de nos ravisseurs ouvra la porte et attrapa le plus proche pour le sortir et l'assassiner. Nous n'étions pas rassurés. Ils voulaient assurément de l'argent et ne voulaient pas que cette affaire dure trop longtemps. Nous comptions les jours autant que faire se peut grâce à la lueur du matin.
Th: Je ne comprends pas! Vous dites que vous étiez 6! mais les médias ont parlé de 4 otages, n'est ce pas ?
Vous dites qu'un otage a été assassiné alors qu'à l'époque, il n'était fait part d'aucune victime. Expliquez vous ou plutôt, expliquez nous!
Christine: Pendant 3 mois 1/2, nous étions coupés du monde, un de nos géoliers qui parlait français, après plus d'un mois nous avait indiqué qu'on parlait de nous et qu'un comité s'était mis en place mais à vrai dire, on n'était au courant de rien. A ma libération comme d'autres du groupe, j'ai replongé dans l'anonymat, je voulais tirer un trait et quand j'ai découvert tous ces mensonges, j'ai préféré me taire surtout que ce n'était pas le seul. Mais si on regarde les médias de l'époque de plus près, on remarque que les pouvoirs publiques jouaient sur les mots. Ils parlaient d'otages français et nous étions bien 4 français et 2 non français.
Th: Vous dites que ce n'était pas le seul mensonge ?
Christine: Evidemment! Le président d'Equilibre avait indiqué qu'acune rançon avait été versée. C'était impossible sinon, je ne serais pas là en train de vous parler. Nos géoliers nous ont eux même confirmé qu'une rançon avait été versée mais nous avions ordre de ne plus parler de notre prise d'otages. C'est pour cette raison que je n'ai rien dit.
Th: Autre chose, lors de mes lectures, je suis tombé sur un drôle d'article. J'avais l'impression de lire un roman d'espionnage. L'auteur indiquait qu'il y avait des agents Français du renseignement. Vous confirmez !
Christine: Malheureusement, totalement vrai! et ce n'était pas la meilleure chose qu'ait faite l'association Equilibre. Ils étaient 2 mais je ne pense pas que ce soit cela qui ait motivé notre enlèvement.
Disons, nous étions mal barrés et à la fin totalement au bout du rouleau
Th: Avez vous subi des violences physiques ou plutôt pour être plus précis des viols ?
Christine: Je préfère ne pas répondre et arrêter avec les questions. Vous avez ravivez des souvenirs toujours vifs malgré une importante thérapie mais on m'a prévenu qu'on ne s'en sort jamais de ce genre d'expérience. Moi j'ai la chance d'avoir pu reprendre une activité comme soignante mais pour deux de mes anciens camarades d'Equilibre, eux n'ont pas eu cette chance. Il n'ont pas voulu suivre de thérapie, espérant s'en sortir d'eux même. Ils se sont suicidés.
Je suis un peu comme une survivante. 19 ans après, il était peut être temps d'en parler mais à quoi bon. ça n'intéresse, plus personne. Je vais continuer d'essayer de vivre comme je peux traînant cette histoire comme un boulet.
Je vous remercie de m'avoir écoutée. Vous m'avez à vrai dire un peu soulagée mais svp, ne donnez jamais mon nom.
Th: Merci de même et bonne continuation.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire