La question mérite d'être posée au moins 1 fois par mois. Ce qui est certain, c'est que tout le monde sait que c'est un jour férié du moins en France mais ce n'est pas général mais combien savent exactement l'objet de cette fête, c'est une autre histoire et de plus en plus, elle est devenue une journée qui n'a plus rien avec le mot travail et plus une journée d'expression politique loin des préoccupations syndicales.
Ils sont combien à savoir cela
.
Étymologie du mot TRAVAIL : tripalium (latin populaire).
Le mot latin populaire "tripalium" désignait un instrument
d’immobilisation (et éventuellement de torture) à trois pieux. On appelle
encore "travail" un appareil servant à immobiliser les chevaux rétifs
pour les ferrer ou les soigner. Le mot "travail" désignait
autrefois l’état d’une personne qui souffre (ce sens est toujours utilisé
en obstétrique). Il a été étendu ensuite aux occupations nécessitant des
efforts pénibles, celles des "hommes de peine", puis à toutes les
activités de production.
.
Mais cette journée est elle la fête du travail ou la fête des travailleurs.
Aujourd’hui, la fête des Travailleurs (appelée fête du travail par les conservateurs) est commémorée par un jour férié chômé le 1er mai dans la plupart des pays ayant institué une telle fête, comme la France10.
Un petit tour sur le site de wikipédia nous donne vite la réponse. Hé oui, tous les pays ne fêtent pas le premier mai de la même manière et surtout ne lui accordent pas la même signification.
qui plus est dans un même pays, cette journée revêt une signification très différente selon le bord politique et avec les élections présidentielles, on dira que les choses se compliquent.
9 commentaires:
On pourra s’interroger, quitte à revenir au Cratyle de Platon, sur la signifiance des étymologies. Quoiqu’il en soit, même sans conférer une origine divine au langage, l’usage historique des mots, leur évolution, et leur polysémie dénote l’intelligence, populaire ou savante, d’un concept. Ce que l’historique du terme " travail " dévoile est l’association étroite de notre labeur quotidien, le travail au sens courant et moderne du terme, avec l’expérience de la contrainte et de la domination. Le tripalium est à l'origine du mot. C'est un instrument à trois pieux, un instrument de torture dit-on. En réalité, le tripalium correspond au travail utilisé dans les fermes : c'est un dispositif de contention utilisé pour aider à la délivrance des animaux, mais il est surtout utile au ferrage, au marquage au fer rouge, ou à des interventions vétérinaires douloureuses... j’imagine volontiers qu’il fut utilisé pour " contenir " les esclaves que l’on fouettait ou punissait.
Vérification faite - le "Dictionnaire historique de la langue française" (aux éditions Robert) s'avère à cet égard un trésor - le tripalium est bien, pour le Romain, et c’est attesté au début du moyen-age un instrument de supplice, dont dérive le terme " travail " désignant l’outil de contention familier aux éleveurs.
Le dictionnaire nous rappelle pertinement l'historique et le croisement étymologique avec " trabicula ", petite travée, poutre, désignant un chevalet de torture : (trabiculare signifie " torturer " et " travailler ", au sens, de " faire souffrir "). Et c’est bien dans cette acception que s’utilise en ancien français le terme " travailler " et cela jusqu’au 12e et 13e siècle, et s’applique non seulement aux suppliciés, ou aux femmes en proies aux douleurs de l’enfantement, mais aussi aux agonisants. L’enfantement étant un " travail " non pas parce qu’on y re-produit la vie, mais en raison des douleurs de l’accouchement, au cours duquel sans doute, on devait - si elle était trop forte - immobiliser la mère...
Il s’agit bien d’un sens originel, qui s’affaiblit au cours du temps, et il serait sans doute intéressant d’étudier, documents à l’appui, comment l’usage du terme glisse vers l’acception anodine de notre temps : en 1155, toujours selon ce même dictionnaire, on voit : " se travailler " : produire de grands efforts et par la suite, le courant : " travailler à " : faire tous ses *efforts* pour parvenir à un résultat... l’idée de transformation d’une matière première ne prend le pas sur l’idée de souffrance qu’à partir du 16e siècle moment où le verbe se répend dans le sens " faire un ouvrage " et " rendre plus utilisable " (indiquant qu’un ouvrage intellectuel a été travaillé pour le rendre utile, pour lui conférer une valeur d’usage).
L’association du travail à la souffrance et au châtiment, dans la culture occidentale, est certainement plus ancienne et l’on pourrait s’en référer au texte biblique où, pour avoir voulu goûter au fruit de l'Arbre de la Connaissance, Adam et Eve se voient respectivement condamnés à " produire son pain à la sueur de son front " et " à enfanter dans la douleur ".
Vécu comme destin ou comme volonté, le travail n’est pas sans rapport avec la violence. Mais nous devons garder à l'esprit que le verbe travailler est transitif : le travailleur est, en fait, le tortionnaire. Il exerce une contrainte sur la matière qu'il travaille, comme le policier brutal qui "travaille" le suspect...
Catégorie ancienne, la notion de production qui n'est pas nécessairement associée à l'activité économique au sens moderne du terme : on pourra évoquer la distinction aristotélicienne entre la vie de l'esprit (theoria), la vie sociale (praxis) et la vie économique (poiesis).
Chez Aristote, dont la pensée s'inscrit dans le cadre d'une société esclavagiste, la vie dans la théoria reste la vie parfaite, auquel s'adjoint l'engagement politico-morale dans la cité tandis que la vie de fabrication, de production matérielle, de travail, est dévolu aux animaux, y compris ceux "à pied d'homme" (et Aristote voudrait le laisser, si c’était possible, à des machines). Cependant, Aristote qui confère à sa pensée une dimension pratique et opératoire : l'artisanat, l'activité technique est pour lui source de connaissance. Le même terme "poiésis" se réfère en outre à la création littéraire, à la poétique. C'est dans la proximité sémantique entre ce qui désigne la production littéraire et la production économique que l'on pourra élucider l'essence du travail.
De prime abord on pourrait considérer que la création littéraire ou artistique relève de la "theoria", de la vie de l'esprit, et qu'elle n'a que peu à voir avec la poeisis des esclaves, cependant, Aristote consacre un traité à la poétique dans lequel il expose les techniques de la création.
Platon fait dépendre la poétique de l'ontologie... cherchant la source de la création moins dans la maitrise technicienne (qui relève de la sophistique) que dans l'inspiration où la part divine (theia moira) est déterminante. Ce sera donc au-delà de la raison, en dehors de la poéisis technicienne, que le poète accueillera - comme un don - la révélation de l'essence des choses. La poésie devient donc, dans cette perspective, un dévoilement, une ouverture de la parole à l'être. Ce n'est plus la parole qui désigne l'être, dans sa vérité, c'est à dire dans une relation d'adéquation du dire par rapport à la chose en soi, mais c'est l'être qui émerge dans et par la parole qui se contente, pour ainsi dire, de le mettre au jour, de le manifester dans la pensée. L'artiste, comme le penseur, n'aura d'autre ressource que d'adopter l'attitude contemplative du méditant, ou, pour reprendre les catégories aristotéliciennes, de se livrer à la vie de l'esprit, à la theoria pure.
C'est dans le passage de la théorie à la production (poeisis) que se situe le clivage entre la sophistique et l'essentialisme platonicien. En érigeant la technique, la maitrise rationnelle et conventionnelle du verbe, comme vecteur possible du beau, du vrai ou du savoir, le sophiste entraine la philosophie, et plus généralement la pensée, et les arts dans le champ de cette activité productive assumée par les esclaves... Le philosophe devient un artisan du verbe, l'artiste un artisan de la forme matérielle, un technicien de la communication... la poétique d'Aristote, qui définit et catégorise les formes de la production littéraire relève d'un tel glissement, qui s'avère, il faut le dire, heureux en raison même de l'indissociabilité entre la pro-duction poétique de l'être et la poiésis (au sens économico-technique du terme).
Si nous en revenons à la lecture essentialiste (sous le mode platonicien, ou sous le mode heideggerien) de l'art, nous relevons comment la poéisis est vécue comme une éclosion de quelque chose qui préexistait, soit dans le champ théologique (des Idées) soit dans le champ ontologique (de l'Etre), ce qui, soit dit en passant, revient à rechercher une causalité nécessaire (d'ordre transcendant ou immanent selon les cas) à toute pro-duction. L'art se fera imitation de la nature, sous le modèle du bourgeonnement, de la croissance, de la germination...
Même dans notre perspective matérialiste moderne, on peut trouver un fondement à cette métaphysique si l'on pense la poéisis comme auto-poéisis : auto-production de l'être. C'est précisément ainsi que les systémiciens actuels décrivent le vivant : une machine autopoiétique, une machine capable de se produire lui-même. Et comment fait-elle cette machine : en absorbant et assimilant de la matière première et lui conférant une structure se manifestant comme morphologie... cette structure n'est pas alétoire, sa forme est, sur le plan ontogénétique, déterminée par le "code génétique". Etablir une relation d'homologie significative entre une structure moléculaire, celle de l'ADN et la structure moléculaire des protéines fut la grande découverte biologique du XXe S, mais au-delà de cette homologie, il y a aussi celle, plus globale, entre le génotype et le phénotype, entre l'ensemble du génome et la structure morphologique visible, fonctionnelle de l'organisme. Former un organisme demande de l'énergie, qui, de proche en proche, nous ramène à l'énergie lumineuse émise par le soleil (transformée en énergie chimique par la photosynthèse).
La vie est donc une auto-production d'une forme signifiante. L'organisme vivant signifie (de manière complexe, non linéaire, avec des opérations de transcodage, mais aussi d'occultation, de répression et quelques erreurs de transcription sans doute) le code génétique, qui - et c'est là la caractéristique du vivant - fait précisément partie de cet organisme... l'ouverture de cette boucle étant assurée par la filiation, par la reproduction, au cours duquel le milieu, par le jeu combiné du hasard (mutations, accidents...) et de la nécessité (la sélection) inscrit le vivant dans un devenir historique, dans la phylogenèse, dans l'évolution.
Définir la vie comme une production d'un signifié nous permettra donc de comprendre le sens du travail comme fonction vitale. Le travail est donc une production, une poiesis, et l'artiste (ou l'artisan, ou l'ouvrier) est celui qui use d'énergie pour donner forme à l'informel, conférer une forme signifiante à une partie de son environnement.
Toute production de signifiant relève du travail. Entendons par cela qu'il requiert de l'énergie, dans la mesure où la poéisis consistant à donner forme à l'informel, à transformer un in-signifiant en quelque chose qui a sens pour nous, et renvoie, soit à une intention soit à une finalité, c'est à dire à une valeur d'usage requiert, en raison des lois de la thermodynamique, une dépense énergétique, et par là, suppose une usure du corps, usure que le repos et l'alimentation répareront, pour un temps seulement.
Si toute production de sens (ou d'un signifiant) requiert du travail, on peut se demander si tout travail est, en soi, signifiant. Il y a t-il un travail insensé ? Le sens est ce qui lie le signifiant au signifié, un travail insensé serait in-signifiant, c'est à dire qu'il ne signifierait rien ni pour le travailleur ni pour quiconque et serait une dépense d'énergie en pure perte.
Nous devrons, pour cerner au plus près ce rapport entre le travail et le sens, chercher précisément ce que signifie signifier. Lorsque je parle ou j'écris, j'use de signifiants, qui peuvent être physiquement (graphismes, sons, code binaire) divers tout se référant à la même notion. Le mot nous renvoie à un au-delà du mot, un objet, s'il existe, ou à une notion (qui n'est en fait qu'un état cérébral que le langage permet de traduire en discours et éventuellement induit par l'évocation - acte mental - d'un objet concret), le mot, comme objet physique, fonctionne ainsi comme indicateur.
Ce qui est important dans notre réflexion se trouve être la relation induite d'un objet à l'autre, d'un étant à un autre étant qui pourrait fort bien n'exister que comme "état mental" (discours ou vécu intérieur, subjectif) ou "état cérébral" (l'aspect objectivable d'un état physiologique du cerveau). Or on peut trouver, dans la nature, des choses qui "signifient" pour nous et qui se détachent de l'horizon indifférencié....
Notre mineur qui va "au chagrin" cherche dans le roc un minerai "signifiant", qui prend de l'importance en fonction de l'usage dont il fait l'objet. La signification renvoie donc, dans le cas d'un étant naturel, à son usage humain, à son utilité. Il y a d'innombrables objets existants, objectivement, dont nous percevons une petite partie, et qui ne "signifient" rien pour moi : je n'en ai pas (pour l'instant) l'usage et ils n'ont aucune importance à mes yeux. A peine entreapercus, je les oublie.... mais dans ce monde qui m'entoure (le monde étant l'ensemble des choses perçues ou perceptibles aujourd'hui, ce qui ne correspond pas à la totalité de la physis), les objets signifiants pour moi sont ceux qui, d'une manière ou de l'autre, importent à mon corps, à ma conservation.
A vrai dire, comme homo sapiens est très évolué, un peu près tout ce qui lui est (potentiellement) perceptible prend sens, mais pour la grenouille, par exemple, (et pour autant que l'on puisse imaginer l'effet que cela fait d'être une grenouille), le monde signifiant se réduit a deux milieux, aquatique et aérien, au sein desquels évoluent des taches mobiles... il ne perçoit pas grand chose d'autre, sinon les insectes susceptibles de servir de nourriture et des masses énormes, zones sombres, qui peuvent être le ...héron, ou tout autre prédateur. Etre dévoré (ou détruit) ou dévorer, tel est le rapport originaire que nous établissons - êtres vivants - avec la physis. Le monde qui signifie pour nous est donc celui-ci : des objets utiles ou menaçants... tout le travail consistera, pour l'organisme, à distinguer ces objets et à s'approprier des objets utiles, et éviter les menaçants. Le reste est ruse, sophistication, résultant de la co-évolution de l'organisme et de son milieu (les proies et prédateurs).
La production de sens sera, en premier lieu, la distinction d'un "monde" structuré, devenu signifiant par rapport aux besoins de notre corps. La signifiance se trouve en relation étroite, dans notre perspective, avec l'effectivité : tout signifiant agit, par sa présence comme réalité physique sur son environnement, qui, modifié par lui, le "perçoit", est agi. Ainsi nous sommes agis par le monde, autant que nous agissons sur ce monde. Agir sur le monde, c'est lui donner sens et lui donner forme : nous créons dans le monde des signifiances qui peuvent être désignées par l'expression "valeurs d'usage".
Extraire le charbon du sol, c'est lui donner sens comme combustible utilisable parce que extrait du sol : le travail du mineur informe ainsi, en séparant ce que la nature a - par le seul jeu des forces physiques - mêlé dans l'indifférencié de la matière première.
L'information (la production de sens) est encore plus évidente lorsqu'on pense à la production d'objets artisanaux : le bois taillé, en meuble, en table, prend un sens qui correspond au projet de l'artisan, projet qui peut s'exprimer sous la forme d'un discours (représenté peut-être visuellement par un plan coté). L'information contenue dans ce discours (le plan coté) est traduite en un objet ouvré, qui, acquiert une valeur-travail correspondant à la quantité d'information produite par l'artisan.
Considérons maintenant ce qu'est in-former : une information étant d’autant plus intéressante qu’elle diminue davantage le nombre de possibilités ultérieures. Elle consiste à passer de l'indéterminé, de l'aléatoire, au certain, et pour ce faire, on est conduit à sérier les possibles. L'information est une réduction des possibles, à la manière d'une clé dichotomique, jusqu'à une opposition binaire entre l'être et le néant. Mathématiquement, on est amené, je cite J. Hebenstreit, " à définir la quantité d’information comme une fonction croissante de N/n où N est le nombre d’événements possibles et n le sous-ensemble désigné par l’information. Pour conférer à la quantité d’information les propriétés des grandeurs mesurables (définition de l’égalité et du sens de l’inégalité et définition de l’addition), on a posé par définition : quantité d'information = I = k.lg(N/n) où k est une constante qui dépend du choix de l’unité. En prenant comme unité de quantité d’information (encore appelée « logon ») celle qui réduit l’incertitude de moitié (n = N/2), on a k = 1/lg 2. Pour simplifier les formules, il est commode d’utiliser les logarithmes de base 2, ce qui donne finalement : I = lg de base 2 (N/n), où I est exprimé en logons " (Théorie de l'information, in Encyclopaedia Universalis). Or si nous tenons compte de l'interprétation statistique de la thermodynamique, nous avons le même type de relations : une diminution d'entropie (donc une augmentation de l'enthalpie, un apport énergétique) revient aussi à réduire l'indétermination d'un système (clos), à réduire le champ des possibles.
Dans l'article "énergie", in Encyclopaedia Universalis, on lit sous la plume de J. Bok : "L’état macroscopique qui est le plus probable est celui qui correspond au nombre maximal Y [omega, dans le texte original] de configurations microscopiques possibles. On définit l’entropie comme S = k.lg Y, où k est une constante. Un système isolé évolue donc vers l’état d’entropie maximal. L’entropie est, en quelque sorte, une mesure de l’état de désordre microscopique d’un système. La chaleur étant une forme désordonnée d’énergie, il est plus facile de transformer du travail en chaleur que l’inverse."
Tout travail, comme apport d'énergie dans un système, peut être en conséquence pensé comme réduction des possibles, un apport d'information, une structuration signifiante de la physis. La quantification de l'information conférée à un système se ramène à la quantification négative de l'entropie et, finalement, à la quantification de l'énergie nécessaire pour structurer ce système.
Un lien étroit existe donc entre le logos et la physis : le travail étant l'insertion du logos dans la physis, insertion qui requiert de l'énergie vitale, que nous puisons dans la physis sous forme de nourriture et d'énergie solaire ; mais cette énergie solaire, la lumière, qu'est-elle en fin de compte sinon un champ électromagnétique, une fonction d'onde exprimant une énergie pure. L'identité entre la matière et énergie, que Einstein a mis en évidence, nous oblige à concevoir le réel comme une unité dynamique, dépassant ainsi la tenace illusion dualiste. Ce monisme ne permet pas cependant d'oblitérer le caractère dynamique et dialectique de l'Etre.
L'Etre qui sous-tend le monde est mouvant, inséré dans le temps, et en perpétuelle transformation : l'energie se manifeste comme matière. Se manifester : l'apparaître, le phénomène, n'est qu'à la mesure d'une perception, c'est à dire d'une interaction. En fait, nous devrions ici interroger le physicien et tout particulièrement celui qui s'occupe de théorie quantique, pour comprendre que ce qui est considéré, par nos sens et à notre échelle, comme matière relève de l'énergie, d'un champ structuré à la faveur d'interactions entre diverses forces, encore imparfaitement décrites et comprises, et relativement peu expérimentées. Ces structures de l'univers n'apparaissent à notre regard qu'à la faveur d'une relation, d'une interaction experimentale, d'un contact entre notre corps (lui-même partie prenante de cette physis indifférenciée) et l'objet de notre investigation. Et puisque nous sommes ici au coeur de la matière, une veine s'ouvre à nos yeux que nous pourrions, ou du moins les mineurs armés des outils conceptuels et mathématiques adéquats exploiter, à condition de s'aider de la technique expérimentale.
De mon chef, je me contenterai d'une simple conjecture : l'atomisme logique permet de quantifier l'information, de la présenter comme une suite de données binaires. En admettant que tout processus physique peut être décrit comme un mécanisme, un jeu de forces et pourrait être dès lors décrit comme un algorithme... dans quelle mesure à un atomisme logique pourrait correspondre un atomisme physique (d'ordre conceptuel) dans lequel une "unité de matière" ramenée à une unité binaire entre l'être et le néant. Ce qui nous permettrait (du moins conceptuellement et peut-être dans un avenir concret, expérimentalement) à passer continument du logos à la physis et de la physis au logos en identifiant la matière (l'énergie) au logos. Si la conjecture se confirme expérimentalement, il serait concevable de *créer* de la physis à partir du logos.
Mais en attendant ce "savoir absolu" et le règne sans partage du Concept, nous sommes contraints de vivre au coeur de la physis, enracinés en elle, et dépendants d'elle. Le travail - transformation énergie-matière - est, pour les organismes vivants que nous sommes - une fonction naturelle, aussi naturelle que la production quotidienne de déchets ou l'absorbtion de nourriture... c'est dire que le travail humain n'est rien d'autre qu'une sophistication de ces fonctions qui sont médiatisées en fin de compte par la technique, produit de la transformation structurante de la matière. Il n'y a pas d'opposition entre la nature et l'artifice (c'est en cela que les idéologues de l'écologisme fondamentaliste, essentialistes de la nature, s'égarent) : il est dans la nature de l'être humain (et même de certains animaux ) de transformer leur environnement, de produire de l'artifice, d'insérer du sens, du logos dans la matière. C'est le mode de survie organique et matériel de homo sapiens, mode qui dépasse l'opposition aristotélicienne (idéologie d'une société esclavagiste) entre l'activité théoriquie (production du logos) et activité poétique (production d'artefacts), car l'artefact est du discours et le discours (texte, sons, musique, gestes...) est un artefact. Le travail est donc, simplement, la condition de la vie humaine, le mode de vivre de homo sapiens, une nécessité.
Enfin parce que philosopher c'est extraire de l'indifférencié de l'Etre, les phénomènes (c'est le travail de perception structurante, celui du physicien - nous sommes tous "physiciens"), forger les signifiants, les mots, qui les désignent, produire les discours qui donnent sens au monde et permettent de le transformer. Philosopher, c'est pénétrer dans l'antre de la caverne... pour y extraire l'énergie de notre volonté, le métal de notre savoir et l'or de la sagesse qui nous permettront, un jour, de nous libérer de notre chagrin
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