publié le lundi 5 juillet 2010.
"Notre stratégie dans un contexte mondial devenu favorable c’est la lutte, la résistance offensive. Car ne nous y trompons pas, le rôle que joue déjà et que va jouer encore plus le mouvement de solidarité est déterminant. Cette résistance offensive n’est pas une solidarité exogène, elle devient partie intégrante du combat du peuple palestinien. Les actions BDS engagées sont les ramifications de l’appel BDS, elles prolongent et étendent l’action des palestiniens. Et déjà les progrès sont significatifs, la solidarité s’étend dans des secteurs nouveaux, reprend dans certains syndicats qui s’en étaient éloigné"
FSE- Istanbul 1- 4 juillet 2010
J.L. M. CCIPPP
Dans le cadre de ce débat général je développerai deux idées forces :
Au plan international on assiste à la fin de l’unilatéralisme des E.U. et à l’émergence d’un monde multipolaire. Concernant la Palestine, ceci ouvre l’accès à une nouvelle période. Il est impératif de l’identifier pour établir notre stratégie. Celle-ci ne peut-être dictée par nos schémas habituels, elle ne répondrait pas aux exigences de la réalité et serait inefficace. Je vais essayer de vous exposer la vision que la CCIPPP a de la situation et l’articulation entre cette vision et les actions que nous adoptons et menons.
La seconde idée concerne « les solutions » :
La question des « solutions » doit être abordée dans le contexte réel de la situation en Palestine, d’une part, et d’autre part en prenant en compte le contexte international changeant. Je voudrais développer ici, l’idée que la discussion autour des solutions est d’abord
1) un faux débat, car il n’y a dans l’horizon de la situation aucune « solution », si on entend par solution des préparatifs véritables pour un compromis historique possible, et
2) que ce débat n’est pas simplement coupé de la réalité actuelle, et donc irréel mais qu’il a par contre une fonction bien réelle qui est celle de pérenniser l’occupation et la domination israélienne.
La fin de l’unilatéralisme des E.U.
L’agressivité de la politique étatsunienne et israélienne, les défaites successives, la défaillance des pays arabes, les déceptions… nous avaient amenés à envisager la situation avec pessimisme. Il fallait tenir, résister dans la défensive en affirmant nos principes, mais sans imaginer pouvoir changer la réalité.
On notera en premier lieu la résistance du peuple Palestinien, qui malgré les offensives israéliennes meurtrières et la complicité des pays arabes, ne se résigne pas. En dépit de 62 ans d’oppression sans précédent il se tient debout et continue d’inventer de nouvelles formes de résistance. Nous saluons tous ici sa formidable endurance, sa capacité de lutte et sa dignité !
Une série d’événements, la plupart indépendants de notre propre action, a bel et bien reconfiguré le paysage.
La crise systémique et globale du système néolibéral ; elle ne sera pas surmontée par des « bricolages » et les thèses du mouvement altermondialistes gagnent en crédibilité.
Force est de constater que la « guerre préventive, permanente et totale » engagée par les E.U. n’a pu s’étendre. Les aventures menées en Iraq et en Afghanistan témoignent chaque jour davantage de l’impasse politique et militaire de ce projet meurtrier et constituent désormais un fardeau pour les E.U.
Les mouvements de résistance gagnent du terrain : ainsi au final et malgré le prix exorbitant payé par les libanais, l’échec de l’agression israélienne contre le Liban en juillet 2006 et l’échec du plan Bush-Rice sont le fruit de la résistance du peuple libanais.
L’Iran ne semble pas près de s’effondrer malgré les nombreuses difficultés qui le traversent. Au contraire, que ce soit par un maillage de contrats basés sur des intérêts strictement économiques ou des alliances basées sur des affinités politiques avec l’Amérique Latine, l’Asie et la Russie, l’Iran surmonte l’isolement et minimise l’efficacité des sanctions demandées par l’occident.
la Turquie connaît aujourd’hui une situation bien différente d’il y a 10 ans. Bien que membre de l’OTAN et entretenant officiellement des liens privilégiés avec l’Union Européenne et Israël, la marge de manœuvre qu’elle a su imposer dans ces relations témoigne de la multipolarité du monde d’aujourd’hui. Ce n’est pas un « islam modéré », c’est à dire un islam assujetti à l’Occident qui dirige le pays. L’AKP mène une politique qui façonne de jour en jour les contours d’une force régionale, exigeante de son autonomie sur des questions majeures et en alliance avec diverses parties du monde.
En témoignent les événements des mois derniers :
L’importance de la visite du président Russe Medvedef (début mai 2010 en Syrie et en Turquie) et des contrats signés,
Plus important encore concernant la crise dite « du nucléaire iranien », il y a eu le « projet de solution » présenté en accord avec le Brésil et l’Iran lui même, qui a réussi à échapper au contrôle exercé par les E.U. et l’Europe (le 16 mai dernier).
Dans le même registre on notera également le vote commun du Brésil, et de la Turquie (membres non permanents) au Conseil de sécurité de l’ONU contre les sanctions à l’égard de l’Iran.
Enfin , et contre toute attente des E.U. qui ont tout fait pour attiser les rivalités et les conflits d’intérêts, les relations entre les deux forces régionales montantes, l’Iran et la Turquie, s’engagent sur le versant de l’entente. Et il ne fait aucun doute que le soutien à la Palestine a été un des éléments clés de ce rapprochement.
Tout ceci marque la fin de l’hégémonie des Etats Unis et l’avènement d’un monde multipolaire où les puissances régionales ont leur mot à dire. Ce changement qui a un impact direct sur la situation au moyen orient est très favorable à la lutte du Peuple Palestinien et au développement du mouvement international de solidarité à la lutte du Peuple Palestinien. Il n’est que de voir l’essor pris par la campagne BDS dans le monde !
Ce qui m’amène au second point de mon exposé :
Les « Accords d’Oslo » ont initié en 1993 La procession des « processus de paix ». Le bilan catastrophique pour les palestiniens de cette période, démontre sans appel la véritable fonction de « processus de Paix » : anesthésier l’opinion internationale, grâce à quoi, avec le soutien de ses alliés, Israël pouvait poursuivre en toute impunité la colonisation, l’apartheid, les crimes de guerre et le nettoyage ethnique de la Palestine. Ceci a été dit dès 2000, par Sharon annonçant son projet de « terminer ce qui a été commencé en 48 ». Ces 17 dernières années ont vu un développement sans précédent de la colonisation de la Palestine, le non respect des termes et des articles des accords d’Oslo et ce dès 1994 !! avec retards, modifications, remises, ajustements etc et pendant ce temps, la machine coloniale continuait sa marche. Maintenant, la machine s’est même libérée de la rhétorique qu’est le processus de paix et fonce ouvertement. Certains posent la question de la sincérité d’Israël dans la recherche d’un compromis au départ. Nous n’allons pas rentrer dans une vaine discussion, les faits bien matériels et concrets prouvent qu’il n’y a pas de processus de paix, il n’existe tout simplement pas.
C’est même de pire en pire. En effet, bien que Netanyahu ait déclaré vouloir « arriver à la paix économique, sécuritaire et politique » il refuse, conformément à la charte du Likoud, l’existence d’un état palestinien. Lieberman, a déjà annoncé : « qu’accepter des concessions dans le cadre du processus de paix avec les Palestiniens mènerait l’Etat hébreu à la guerre. » et il déclare vouloir « gérer » le conflit sans qu’il soit besoin de rechercher des solutions. Ce ne sont pas les pseudos concessions grotesques de ces derniers jours de Nétanyahou sur « un état Palestinien » qui changent quelque chose.
Or les USA et l’UE, autant que la classe politique israélienne au pouvoir, qu’elle soit travailliste ou likoudienne, ne peuvent renoncer à la solution des « deux états » qui est devenue au fil des années le corollaire indispensable des « processus de paix » :
Soyons réalistes ! la solution des deux états, vous savez bien ce que c’est aujourd’hui
c’est confirmer la reconnaissance d’Israël en tant qu’état juif et donc valider sa politique sioniste.
c’est garantir le maintien d’une Autorité Palestinienne sans état mais sous tutelle économique, financière et politique et donc renforcer une dérive déjà bien engagée ! Ca rappelle aux palestiniens un vieux projet israélien de 1968, tout juste après l’occupation de Gaza et de la Cisjordanie, qui s’appelait « Le comité des villages et des quartiers » où il s’agissait de donner une autonomie de gestion de la vie quotidienne aux palestiniens.
Enfin et surtout c’est mystifier l’opinion publique internationale sur un état palestinien qui aujourd’hui sur le terrain, n’a plus d’existence viable. Si dans le mouvement international de solidarité, rares sont ceux qui se font des illusions sur les « processus de Paix », beaucoup encore semblent perdus à l’idée de ne pas avoir de réponse que la question d’un ou deux états, comme s’il était impossible de lutter sans avoir de réponse à cette question.
Dans ce débat nous disons : pour le Peuple Palestinien, la remise en route d’un « processus de paix » qui, avec la bénédiction des instances internationales, permettrait à Israël de poursuivre en toute impunité sa politique serait une grande misère, pire, une complicité active. Pour le mouvement de solidarité ce serait des débats sans fin et paralysants, pour au final rentrer dans le cadre d’une solidarité institutionnalisée et partielle, un sauvetage des humains, et encore, voyez la capacité à punir les humains de Gaza, ou à chasser de chez eux les humains de Jérusalem, en fait, il s’agit d’en faire des esclaves !
Or la campagne BDS nous offre le double avantage de réinitialiser le mouvement de solidarité sur la base stratégique des revendications fondamentales du Peuple Palestinien et de maintenir la solidarité sur le terrain de l’action citoyenne.
Notre stratégie dans un contexte mondial devenu favorable c’est la lutte, la résistance offensive. Car ne nous y trompons pas, le rôle que joue déjà et que va jouer encore plus le mouvement de solidarité est déterminant. Cette résistance offensive n’est pas une solidarité exogène, elle devient partie intégrante du combat du peuple palestinien. Les actions BDS engagées sont les ramifications de l’appel BDS, elles prolongent et étendent l’action des palestiniens. Et déjà les progrès sont significatifs, la solidarité s’étend dans des secteurs nouveaux, reprend dans certains syndicats qui s’en étaient éloignés, ainsi la flottille de la Liberté n’aurait pu se faire sans ces soutiens, sans la place que la Palestine a conquis dans les Forums sociaux, sans les coordinations nationales, européennes. On assiste à l’émergence d’initiatives originales telle la Coalition contre Agrexco et les exportations de l’entreprise israélienne Agrexco/Carmel qui regroupe en France 96 organisations et qui a essaimé en Italie, Suisse et bientôt l’Espagne pour devenir une coalition européenne contre Agrexco/Carmel. De même le tribunal Russel, etc.
Oui l’heure est à l’action, à la résistance offensive, à l’amplification du rapport de forces pour exiger la fin de l’impunité d’Israël et les droits fondamentaux du Peuple Palestinien. Là est notre stratégie.
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