lundi 10 septembre 2012

Tibhirine

Nicolas Ballet

Tibhirine : le témoignage inédit du dernier moine rescapé

Lyon. Dans « L’esprit de Tibhirine », une enquête du journaliste du « Progrès » Nicolas Ballet publiée cette semaine par les éditions du Seuil, le frère Jean-Pierre Schumacher livre un témoignage inédit et personnel. Il est aujourd’hui le dernier rescapé de l’enlèvement, en 1996, en Algérie, de sept moines français du monastère de Tibhirine.

 

Dans la nuit funeste du 26 au 27 mars 1996, à l’intérieur du monastère de Tibhirine, dans l’Atlas algérien, le frère Jean-Pierre échappe à la mort.

Sept des neuf moines trappistes français sont enlevés, pas lui, ni le père Amédée. Il est 1 heure du matin. En temps normal, les moines de Tibhirine se lèvent à 3 heures 15 pour le premier office de vigiles. Dans le noir de sa chambre, d’où il découvre des mouvements suspects à l’entrée du monastère et aperçoit un homme en turban portant une arme en bandoulière, le frère Jean-Pierre n’est pas « très rassuré ». Il s’agenouille pour prier et demander « la protection du Seigneur ». Dans « L’esprit de Tibhirine », le moine livre un fait qu’il n’avait jamais relaté et qui a bouleversé sa vie : un homme a tenté d’ouvrir la porte de sa chambre, sans y parvenir, alors même qu’il continuait de prier, à deux mètres. « La poignée tournait dans le vide, car, comme tous les soirs avant de me coucher, j’avais décroché le loquet, par sécurité », explique-t-il. Dans la nuit noire de Tibhirine, la mort l’a frôlée mais ne l’a pas enlevé.
« L’esprit de Tibhirine » est le fruit d’une rencontre d’une très grande profondeur entre le frère Jean-Pierre et Nicolas Ballet, journaliste à la rédaction de Lyon du Progrès. C’est d’ailleurs ici même, dans ces colonnes, que l’histoire a commencé, au travers d’une enquête journalistique de plusieurs mois consacrée aux connections lyonnaises du drame de Tibhirine. L’enquête publiée en mars 2011, titrée « Tibhirine : tous les chemins mènent à Lyon », a valu la même année au journaliste lyonnais le 3 e prix de la presse quotidienne régionale attribué par la fondation Varenne.
L’histoire ne s’est pas arrêtée là. Elle s’est poursuivie à Midelt, dans l’Atlas marocain, où le moine trappiste, dans un autre monastère haut perché, continue depuis 2000 d’être fidèle à l’esprit de Tibhirine, c’est-à-dire au dialogue sans prosélytisme entre chrétiens et musulmans « en milieu musulman ». « Rien n’est écrit […]. Comme dans un laboratoire, nous avançons pas à pas […]. Notre projet […] est de dialoguer, tout simplement, et d’être là sans faire de bruit », explique au Maroc le frère Jean-Pierre Schumacher, un petit homme frêle né en 1924 à Buding en Moselle, dont l’histoire personnelle commencée à la frontière allemande a épousé les drames du XX e siècle.
« Je ne suis pas triste », dit « le survivant » de Tibhirine. Il repense chaque jour à ses frères assassinés, tout en affrontant des interrogations récurrentes : « Que s’est-il passé ? Et pourquoi le Seigneur nous a-t-il gardés en vie, nous, et non point les autres ?
Le monastère Notre-Dame de l’Atlas, à Midelt, est aujourd’hui la « mémoire vivante » de Tibhirine. Dans l’épilogue du livre publié par les éditions du Seuil, Nicolas Ballet y relate un geste, « son » geste, pour y renforcer un lien qui paraît aussi fort et solide que fragile et ténu.
« L’esprit de Tibhirine ». Editions Seuil. 17 euros. http://nicolasballet.blogspirit.com

  Pour rappel, cet article dans le blog:  http://parolededemocrate.blogspot.fr/2011/03/il-etait-une-fois-tibhirine.html

1 commentaire:

LE VESCERIEN a dit…

Extrait de : « L’après octobre noir »ou « La décennie noire en Algérie :1988 / 1998 » -L’Auteur : M.L.ATHMANI

TIBHIRINE (1)

C’était une si belle journée de printemps
Et pourtant !
À TIBHIRINE la nature était en deuil
Elle savait déjà avant notre réveil
Ce qui en ses profondeurs
S’était produit la veille
Nos si chers moines trappistes
Du monastère de TIBHIRINE étaient enlevés
– Quel mal avaient-ils donc fait ?
Ils n’avaient fait que du bien
Durant des années et des années
Ils avaient soigné
Enseigné
Et aidé
Ceux que leurs propres frères
Ne daignaient guère aider
Durant des jours et des jours
Toute l’Algérie avait espéré
Que pareil affront
Par des musulmans dignes de nom
Ne saurait être commis
Mais HÉLAS !
Mille fois HÉLAS !
Fut commis l’affront
Et nos sept moines sauvagement égorgés
L’Algérie ce jour-là avait vibré
Et pleuré
Comme tout TIBHIRINE avait pleuré.
21/05/96
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* TIBHIRINE : Monastère de notre Dame de l’Atlas (MÉDÉA)
fondé en 1934.
– 7 moines trappistes tués-2 échappés dont : Dom JEAN
PIERRE (74 ans).
http://www.edilivre.com/l-apres-octobre-noir
-ou-la-decennie-noire-en-algerie-19.html