vendredi 16 janvier 2009

Israël est engagé dans une oeuvre de destruction


DIDIER BILLION CHERCHEUR À L’IRIS (PARIS) AU COURRIER D’ALGERIE :
«Israël est engagé dans une oeuvre de destruction»
Didier Billion est le directeur adjoint de l’Institut des relations internationales et stratégiques (IRIS) à Paris. Pour ce spécialiste du Moyen Orient, ce que commet Israël en ce moment à Ghaza est scandaleux et prouve son refus de voir la création d’un État palestinien.
Le courrier d’Algérie : Cela fait une vingtaine de jours qu’Israël abat son déluge de bombes sur Ghaza, jusqu’où ira-t-il ?
Didier Billion : Israël est dans une oeuvre de destruction. C’est scandaleux mais ils s’arrêteront quand, ils auront détruit toute vie sociale à Ghaza. C’est ce que cherchent les décideurs à Tel Aviv. Par cette agression l’État hébreu peut porter un coup dur au Hamas, sur le plan militaire. Cependant, il ne pourra ni l’éliminer politiquement ni régler la question de la création de l’État palestinien. L’agression israélienne est perçue dans le monde Arabe et au Moyen Orient comme quelque chose d’insupportable. Par conséquent, Israël ne gagnera pas sur le plan politique. Par son attaque horrible, Israël montre une fois de plus qu’il ne désire pas la création d’un État palestinien il en refuse toute possibilité.
Qu’en est il du processus de paix ?
Avant le 27 décembre, et le début des raids israéliens certains parlaient encore du processus de paix. Désormais vu la barbarie qui se passe à Ghaza on ne peut plus parler de processus de paix. Le plus terrible c’est qu’Israël a systématiquement décrédibilisé tous les politiciens palestiniens en faveur de ce processus de paix. Le président de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, qui a de tout temps montré sa volonté dans les négociations n’a obtenu aucune concession de la part du camp d’en face. Par ailleurs, à l’heure d’aujourd’hui, il est complètement déconsidéré par son peuple. Israël a réussi à tuer une partie de la résistance et un autre grand désastre est de ne plus avoir d’interlocuteur pour un éventuel prochain plan de paix.
Que pensez vous de l’action de l’ONU, des Etats-Unis et de l’Europe ?
Pour moi la « communauté internationale » n’existe pas. Les Etats-Unis et l’administration Bush sont fidèles à leur soutien inconditionnel aux Israéliens. Je trouve le silence de Barack Obama sur ce qui se passe à Ghaza très choquant. Son argument de dire qu’il parlera le 20 janvier lors de sa prise de fonction et qu’avant il faut laisser faire l’administration Bush est un mensonge flagrant car sur la crise financière, il se prononce bien en proposant des plans d’actions et il en est très bavard. L’Union Européenne prouve une fois de plus son inconsistance totale sur le plan de la politique internationale. Au début du mois de décembre, les pays membres de l’Union Européenne ont décidé par la voix de leurs ministres des Affaires étrangères de rehausser le niveau de leurs échanges avec Israël et de le considérer comme un fort acteur. Pour Israël c’est un message. Les responsables israéliens savent que quoi qu’ils fassent à Gaza, l’UE sera d’accord. Quand à l’ONU, elle brille une fois de plus par son incompétence. Sa dernière résolution n’avait rien de contraignant pour Israël. Par conséquent, une fois de plus les israéliens font fi des décisions de cette Institution.
Et la Ligue Arabe qui n’arrive pas à se réunir ?
C’est un spectacle affligeant. Chaque pays défend son propre intérêt. Comme d’habitude, les États arabes ont des discours et des propos très durs sur ce qui se passe. Cependant, les gouvernements ne prennent aucune sanction ou mesure contre Israël . En premier lieu, les États arabes qui font du commerce avec Israël pourraient rompre tout échange. Ce serait un premier signe. La Ligue arabe peut ressortir le Plan de paix arabe mais Israël n’a jamais donné suite et ne veut pas dialoguer. . Les États arabes ont peur de l’opinion politique de leur peuple, comme l’Égypte qui craint l’amplification des frères musulmans. Le président Hosni Moubarak veut également se montrer comme un médiateur indispensable dans le conflit entre Palestiniens et Israéliens. Pour lui ces deux facteurs passent par un alignement sur la politique israélienne.
Que pensez vous lorsque que l’on entend dans les médias occidentaux Hamas égal terrorisme ?
C’est une faute politique et un nonsens de comparer le Hamas à un mouvement terroriste. Le Hamas est un mouvement politique palestinien et une organisation de libération nationale. En 2006, quand le Hamas a gagné les élections législatives, tous les experts internationaux qui étaient en plus grand nombre ont écrit dans leurs rapports que les élections s’étaient déroulées normalement et par conséquent le Hamas a gagné légitimement. Deux mois après, l’Union Européenne, l’ONU et les États-Unis ont retiré leur aide. C’est un déni de démocratie de la part des pays qui se disent défendre cette même démocratie. Ils voulaient dire voter pour celui que nous trouvons le plus légitime. Sur ce coup là nous pouvons saluer le coup de maître des États-Unis et d’Israël qui ont réussi à faire croire aux autres pays que Al Qaida égale Hamas égale Hezbollah. Ce qui est totalement faux. Les deux derniers sont des mouvements politiques nationaux. Sur le refus d’Israël de discuter avec le Hamas, c’est là encore une faute politique. En plus il faut savoir discuter avec ces amis mais aussi ses ennemis.
Quel avenir prédisez-vous à Ghaza ?
Personnellement, je ne pense pas qu’Israël va réoccuper la bande de Gaza. Ce n’est pas dans son intérêt. Quand ils auront fini, ils partiront. Ensuite, d’ici quelques mois une conférence avec tous les pays se réunira afin de donner des fonds pour reconstruire Gaza. Enfin, Israël recommencera à bombarder d’ici quelques années, dans un délai de quatre à cinq ans. A l’heure actuelle, que se soit Tzipi Livni, le parti travailliste pour Ehuld Barak ou le Likoud de Benjamin Netanyahou, tous sont contre un plan de paix et ont dans leur tête à des degrés différents le projet sioniste jamais oublié du grand Israël. Par ailleurs, la proposition de John Bolton, l’ancien ambassadeur américain de l’ONU consistant en le rattachement de Ghazaà l’Egypte et la Cisjordanie à la Jordanie n’est pas une idée neuve. La ressortir au moment ou Israël bombarde Ghazan’est point le fruit du hasard. Autre risque : vu le massacre qui se fait à Gaza, le retour des attentats suicide et du radicalisme côté palestinien est entièrement possible car face aux images qu’on voit on ne peut que se révolter.
Propos recueillis par Emilie Marche


Aucun commentaire: