A l'âge de 53 ans, Abdelhamid Hakkar, un Algérien incarcéré en France depuis le 2 septembre 1984, vient de passer presque la moitié de son existence derrière les barreaux. Le destin et le combat à la fois particuliers et tragiques de cet homme pour retrouver sa liberté sont mis sous les feux de la rampe grâce à Libération, qui en a livré le récit à ses lecteurs dans son édition d'hier. Condamné en 1989 par la Cour d'assises de l'Yonne à la perpétuité, avec une période de sûreté de dix-huit ans, pour son implication dans une fusillade qui fit un mort et un blessé, des policiers, l'Algérien a toujours nié avoir tué. Il est en grève de la faim depuis 20 jours (3 juillet dernier) pour protester contre ce qu'il qualifie «d'acharnement judiciaire» à son encontre. «Il est procédurier, il agace, mais il faut dire qu'il a eu droit à un traitement particulier», indique, citée par Libération, son avocate, Me Marie-Alix Canu-Bernard, qui recense douze années d'isolement au total et 45 transferts depuis 1984, «dont les deux tiers totalement injustifiés». «Il est à la fois désespéré et déterminé, il veut obtenir une intervention du ministère et du consulat d'Algérie», explique une amie. Actuellement, Abdelhamid Hakkar est incarcéré à la Maison centrale d'Ensisheim (Haut-Rhin). Mais au cours de ses longues années d'incarcération, près de 24 ans, Abdelhamid Hakkar a déjà causé beaucoup de soucis à l'administration judiciaire française. En 1989, comme déjà mentionné, la Cour d'assises de l'Yonne le condamne à la perpétuité avec une période de sûreté de dix-huit ans. Mais l'accusé, qui nie avoir tué, n'assiste pas à son procès et il a renvoyé ses deux avocats commis d'office, qui avaient tenté sans succès d'obtenir un report de l'audience. Hakkar n'en restera pas là. Il saisit la Cour européenne des droits de l'homme de Strasbourg, qui lui donne raison et condamne la justice française à le rejuger. Un nouveau procès s'impose, mais il ne sera ouvert qu'en 2003 seulement, puis un autre en 2005 en appel. Le verdict sera quasiment le même: perpétuité assortie d'une peine de sûreté de seize ans. Durant sa longue détention, Hakkar a été condamné quatre fois pour des faits d'évasion, tentative ou aide à l'évasion. En 2004, il avait réussi à obtenir de la justice la suspension de sa mise à l'isolement en raison «de sa durée particulièrement longue» et de ses «effets psychologiques négatifs sur l'intéressé». En 2006, il demande avec d'autres détenus condamnés à la perpétuité, les «10 de Clairvaux », le rétablissement de la peine de mort, préférant «en finir une bonne fois pour toutes» plutôt que de «crever à petit feu». En 2004 et 2005, ses demandes de libération conditionnelle ont été rejetées. Une dernière, formulée en 2006, traîne de juridiction en juridiction depuis deux ans et demi. Elle a été rejetée une première fois à Tarbes, puis jugée irrecevable par la Cour d'appel de Pau, selon laquelle Hakkar n'avait pas purgé sa peine de sûreté. Un argument battu en brèche par la Cour de cassation qui rétablit les faits en indiquant que la période de sûreté de seize ans a bel et bien pris fin le 2 septembre 2000. L'affaire a finalement été renvoyée devant la Cour d'appel de Bordeaux, qui a confirmé le rejet le 2 juillet dernier. Retour donc à la case départ. Car la cour estime que Hakkar, «célibataire sans enfant, ne peut invoquer la vie de famille». Elle juge peu sérieux ses projets professionnels. Le détenu a longtemps été isolé et, selon un document de l'administration pénitentiaire, son dossier disciplinaire «ne fait pas apparaître de compte-rendu d'incident depuis l'année 1999». Mais malgré cela, les juges écrivent que «ni l'évolution de [sa] personnalité ni son parcours carcéral ne sont de nature à caractériser des efforts de réadaptation sociale». L'appréciation des juges ne tient pas debout, selon Hakkar. «On m'octroie à l'inverse des réductions de peine [alors que] ce bénéfice est accordé «aux condamnés qui manifestent des efforts sérieux de réadaptation sociale», s'étonne-t-il dans une lettre. Dernière bizarrerie du dossier: en 2006, la fiche pénale du détenu indiquait, selon son avocate, qu'il était libérable en septembre 2009; depuis 2007, l'échéance a été repoussée au 3 juin 2012... Mais en dépit de cet « acharnement », Hakkar a eu raison de ne jamais baisser les bras. Le Conseil de l'Europe suit depuis longtemps son cas, tout comme Jack Lang, qui vient d'écrire au président Bouteflika pour obtenir «l'intervention directe» de Nicolas Sarkozy, selon Libération.
jeudi 24 juillet 2008
le prix de la révolte
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