lundi 7 avril 2008

Persécutions religieuses


Des intellectuels algériens dénoncent les persécutions anti-chrétiennes

Pour la première fois, en Algérie, un appel pour « le respect des libertés » a été signé par des personnalités comme l’écrivain Boualem Sansal, l’historien Mohammed Harbi, l’universitaire Salem Chaker, le président de la Ligue des droits de l’homme Abdennour Ali Yahia ou le caricaturiste Ali Dilem.
Dans un texte rendu public hier, des intellectuels dénoncent le harcèlement des chrétiens pour « délit de prière » et expriment leur « solidarité avec la communauté chrétienne d’Algérie, cible de mesures aussi brutales qu’injustifiées », en affirmant leur attachement « à la liberté de conscience, du droit de chacun de pratiquer la religion de son choix, ou de ne pas pratiquer ».« Nous assistons à une réaction frontale contre les croyances autres que l’islam. Les Algériens sont pourtant libres de croire ou de ne pas croire », commente le romancier Boualem Sansal. « Bouteflika cherche-t-il à donner des gages aux islamistes ? », s’interroge-t-il.Cette initiative intervient alors que les chrétiens d’Algérie sont l’objet depuis janvier de multiples « tracasseries » : ainsi, par exemple, un prêtre catholique français, le père Pierre Wallez, du diocèse d’Oran, a été condamné le 30 janvier à un an de prison avec sursis pour avoir prononcé une prière à l’occasion des fêtes de Noël pour des migrants clandestins camerounais hors d’un lieu de culte officiel ; accusé d’avoir distribué des médicaments aux Subsahariens, un médecin algérien qui l’accompagnait a écopé de deux ans de prison ferme ; le tribunal a condamné le religieux pour prosélytisme, accusation rejetée par Mgr Henri ­Tessier, archevêque d’Alger ainsi que par le recteur de la Mosquée de Paris, Dalil Boubakeur, qui est intervenu en la faveur du condamné « J’ai sollicité les autorités car ce cas me tient à cœur. Je suis favorable à toutes les initiatives en faveur de la tolérance », précise Dalil Boubakeur.On rappellera que les évêques d’Algérie ont été reçus le mois dernier par le ministre des Affaires religieuses pour exprimer leur inquiétude face aux expulsions, radiations et condamnations qui ciblent l’Église depuis l’adoption, en février 2006, de la loi réglementant les cultes non musulmans. Ils lui ont remis une lettre exprimant leur inquiétude face aux tracasseries qui ciblent l’Église. Ils ont aussi réaffirmé leur solidarité avec le pasteur protestant Hugh Johnson, menacé d’expulsion.Les difficultés ont débuté il y a deux ans, avec l’expulsion d’une vingtaine d’étudiants africains qui avaient participé à une rencontre biblique à Tizi-Ouzou, en Kabylie. Au même moment, les autorités invitaient les religieux chrétiens à quitter le pays « pour raison de sécurité ». En novembre 2007, des volontaires brésiliens sollicités par Mgr Teissier, l’archevêque d’Alger, pour s’occuper des étudiants lusophones ont été expulsés à leur tour. Un mois plus tard, un directeur d’école et un instituteur, Algériens de confession chrétienne, ont été radiés de l’Éducation nationale pour « prosélytisme ». L’association des parents d’élèves qui soutient les deux enseignants rappelle que l’école a eu 100 % de réussite à l’examen d’entrée en sixième pour les deux dernières années.Depuis quatre mois, les visas sollicités par l’archevêché sont délivrés au compte-gouttes, souvent en retard. « Ceci compromet gravement notre avenir, car sans la visite des responsables religieux des congrégations, nous n’obtiendrons aucun soutien pour les religieux travaillant en Algérie et aucun renouvellement », déplore Mgr Teissier.Officiellement, cette loi adoptée en février 2006 visait à garantir « la tolérance et le respect entre les différentes religions » ! Dans les faits, elle prévoit une peine de 5 ans de prison et une amende de 1 million de dinars (10 000 euros), contre toute personne qui « incite ou utilise des moyens de séduction tendant à convertir un musulman à une autre religion ». Révélateur d’une volonté répressive, les représentants des ministères de la Défense et de l’Intérieur, et ceux de la police et de la gendarmerie, sont majoritaires dans la commission chargée de « veiller au respect du libre exercice des cultes ».Le père Gilles Nicolas, du diocèse d’Alger, ne cache pas son inquiétude : « Cette levée de boucliers n’a rien à voir avec le prosélytisme. C’est une lutte idéologique de ceux qui veulent épurer le pays de toute présence non musulmane ».Sur fond de luttes d’influence dans le sérail, cette « croisade » tend à faire diversion, alors que les partisans du président Bouteflika s’agitent pour imposer une révision à la hussarde de la Constitution, et permettre au chef de l’État de briguer un troisième mandat. Dans la propagande officielle, on stigmatise la Kabylie, de tout temps hostile au régime, comme un « maillon faible en voie d’évangélisation ». Depuis quelques mois, des imams salafistes sont injectés dans la région par le ministère des Affaires religieuses ; leur mission : lutter contre la « menace chrétienne », les « traditions païennes » du cru, et secouer l’islam ancestral des montagnards jugé trop tiède. Les évangélistes sont également dans le collimateur d’Alger avec la mise au pas progressive des jeunes Églises protestantes de Kabylie, une région où un éveil à la religion chrétienne est constaté depuis plus de dix ans. Les Églises de Nouvelle Ville à Tizi-Ouzou et de Tafath (Lumière) près de Fort national viennent d’être suspendues par la préfecture dans l’attente d’un « certificat de conformité ».Et le ministre des Affaires religieuses, Bouabdallah Ghlamallah, a récemment qualifié les quelques milliers d’évangélistes de « hors-la-loi », auquel on prête une action politique et un soutien à Israël. Sommé de quitter le pays, le pasteur américain Hugh Johnson, 74 ans, ancien président de ­l’Église protestante d’Algérie est, pour sa part, dans l’attente d’une ­décision du Conseil d’État.Merci aux intellectuels algériens qui ont eu le courage de signer et diffuser ce manifeste pour les chrétiens ainsi traités en Algérie. On aimerait voir un tel courage de ce côté-ci de la Méditerranée lorsqu’il s’agit d’apprécier la situation algérienne, de répondre à la démagogie de son président et de certains soutiens algériens non-dissimulés à certains courants de l’islam en France.

Aucun commentaire: