En 1990, très actif dans le milieu militants, animateur dans une radio libre, je fus chargé d'une mission par un ami.
Il s'agissait de trouver des témoins des évènements du 17 octobre 1961. Une semaine plus tard, une rencontre eut lieu à Lyon entre mon ami, le témoin trouvé et Mehdi Lallaoui le président fondateur du collectif 'au nom de la mémoire'. Cette recherche de témoins que je trouvais admirable de la part de Mehdi allait donner un livre: 'une nuit d'octobre' dont voici un extrait:
" Je me souviens d'un mauvais rêve où je voyais des hommes voler dans les airs.Nous étions en train de traverser le pont de Neuilly. Plus tard, au même endroit, les images de ce cauchemar me sont revenues. Les hommes que je voyais voler avaient le visage déformé par la peur. Ils ne volaient pas, ils tombaient tout habillés dans la Seine. Mon père a attendu que je devienne un homme pour me parler de cette histoire. Il ne voulait pas me voir supporter les mauvaises choses de la vie.L'humiliation. Lui, en a réchappé et moi, quand je pense à ça, les larmes me viennent. Par une sorte de filiation, je me sens pareil à un survivant, un rescapé de cette nuit-là. " En février 1999, l'ancien préfet de police de la Seine poursuit en diffamation un écrivain. Ce dernier l'accuse d'avoir couvert des assassinats lors de la manifestation des Algériens du 17 octobre 1961 à Paris. Durant le procès, un petit groupe d'amis très hétéroclites mais unis dans la recherche de la vérité va se mettre en quête de témoins et de preuves afin d'établir définitivement la réalité des faits."
C'est ainsi que tout ce travail de recherche se conclua par le film ' le silence du fleuve' qui avant de passer sur France 3, aux heures de basse écoute pour ne pas raviver les fantômes du passé, fit le tour du monde.
J'ai été fier de participer très modestement à rappeler cette page de l'histoire de France et heureux de voir le travail Mehdi se réaliser. Il n'en resta pas là bien sûr et continua grâce à son travail à rappeler des évènements que certains politiques veulent ignorer.
J'ai trouvé ce lien fait dans le cadre d'un stage sur 'le silence du fleuve
Octobre 61 - Répression policière
par ricar_mm
1 commentaire:
Dans le livre — de référence sur le sujet — La bataille de Paris sorti en 1991, Jean-Luc Einaudi décrit minutieusement les mécanismes et les responsabilités de cette tragédie. Le 17 octobre 1961, plusieurs milliers d’Algériens descendent en cortèges désarmés et pacifiques des banlieues vers le centre de Paris, répondant à l’appel du FLN pour protester contre le couvre-feu décidé par le préfet de police, Maurice Papon.
Maurice Papon avait en effet décrété la fermeture des débits de boissons fréquentés par « les Nord-Africains » (en fait, cela s’adressait aux Algériens), dès 19h, pour empêcher les attentats du FLN contre les forces de police. Dans la nuit du 17 octobre, plus de 11 000 arrestations sont opérées : depuis la rafle du Vel’d’Hiv, presque vingt ans plus tôt, c’est la plus grande rafle de l’histoire. Les mêmes autobus de la RATP servent, comme en 1942, à transporter les Algériens au Parc des expositions. Les arrestations continuent les jours suivants. Les manifestants sont battus, torturés, assassinés, jetés dans la Seine. Plus de 200 d’entre eux sont tués et jetés dans la Seine. Un crime qui ne sera là aussi reconnu que quarante années plus tard.
En effet, le 26 mars 1999, la justice française, en déboutant Maurice Papon de sa plainte en diffamation contre Jean-Luc Einaudi, reconnaissait officiellement, pour la première fois, le massacre des manifestants pacifiques algériens perpétré les 17 et 18 octobre 1961 par la police de Paris au nom de l’Etat français. Jean-Luc Einaudi, qui a contribué à sortir ces événements de l’oubli, nous affirmait dans une de nombreuses interviews qu’il nous a accordées que « la pire des choses, c’est le mensonge, la négation, l’organisation de l’oubli. Refuser de reconnaître les crimes commis, c’est refuser de reconnaître les victimes, c’est continuer à porter sur les victimes un regard qui les nie dans leur dignité d’hommes, de ce qui fait leur humanité. C’est évidemment porteur de toutes les dérives ».
Dommage que le verdict de ce procès n'est pas été plus médiatisé. De plus lors du procès de Bordeaux, les massacres du 17 octobre 1961 ont été évoqués et faisaient parties des preuves à charge des parties civiles malheureusement les accords d'Evian ne permettaient pas que Papon fut condamné pour ces actes :
Citation:
Le témoin suivant est Robert Chaix, 77 ans, préfet honoraire, Créteil, " J’ai connu Papon à la préfecture de Paris, chef des services généraux en 1958. " Le témoin Robert Chaix donne sa version des événements de 1961 " Règlement de compte entre F.L.N. et M.N.A. Les Algériens devaient payer un impôt sous peine de mort (…) on a pris des mesures de soutien en faveur des Algériens (…) un attentat du F.L.N. tous les 12 jours(…) le 6 janvier 1961, c'est une véritable action de guerre du F.L.N., contre les commissariats de police qui échoue de justesse. L'attitude de Papon a été d’une parfaite indépendance vis à vis de l’O.A.S. et du F.L.N. ".
Maître Bournazel insiste sur le caractère pacifique de la manifestation du 17 octobre 1961 : " Connaissiez-vous le caractère pacifique de cette manifestation ? "
Robert Chaix " Ce n’est pas contradictoire avec ma déposition, il y a eu 11 000 arrestations. Au pont de Neuilly, il y avait des femmes et des enfants, nous avons laissé passer les enfants et les femmes, les autres se sont engouffrés. Le F.L.N. était en état de guerre, on ne pouvait pas laisser faire. "
Maître Bournazel " Combien y a-t-il eu de morts ? "
Robert Chaix " deux ou trois. "
Maître Bournazel " Que pensez-vous des deux cents à trois cents morts dont parlent les historiens pour la ratonnade ? "
Robert Chaix " Nous ne les avons jamais vus. On a dit qu’il y avait eu cinquante morts à la préfecture, c’est impensable. Je m’en tiens à ce nombre de corps d’hommes d’origine algérienne, qui ont été conduits à l’institut médico-légal de Paris. Les fusillades dans un carrefour très passager, c’est impensable. Il y a eu des enquêtes judiciaires, ces chiffres sont impensables. J’ai parlé à un historien de soixante-dix sept morts, c’était une moyenne mensuelle. La police n’égorge pas, elle ne tue pas par balles. Du fait du combat entre le F.L.N, qui suivait un triple enjeu politique et stratégique à Paris, et le M.N.A., il y a eu 4 000 Morts de 1958 à 1962. "
Maître Bournazel reprend Papon sur la cause des poursuites contre Bourdet. Papon a menti, il a été débouté et Bourdet relaxé sur le fait d’affirmer qu’il y avait eu cinquante morts à la préfecture. Que pense le témoin du climat général et en particulier, des policiers contre les exactions ? "
Robert Chaix " ... "
Maître Bournazel " Connaît-il les supplétifs ? "
Robert Chaix " Ils étaient environ trois cents dont cinquante-huit ont été tués et soixante-dix blessés. "
Maître Bournazel " Dépendaient-ils de Papon ? "
Robert Chaix " Non. "
Maître Bournazel " Mais les officiers ? "
Robert Chaix " Oui. "
Maître Bournazel " A-t-il entendu parler des tortures dans les hôtels de la Goutte d’Or ? "
Robert Chaix " Non. "
Maître Bournazel " Connaissez-vous ce numéro de " Témoignage Chrétien " qui parle de tortures dignes de la gestapo ? "
Robert Chaix " Je ne veux pas qu’on m’insulte. "
Le Président Castagnède reprend Maître Bournazel " Veuillez ne pas employer de termes qui, ici, ont un poids important. On ne doit pas juger ces faits. Ce ne sont que des témoignages. "
Maître Bournazel " On le voit bien Papon ment, pour Bourdet, il torture les Algériens. Au fil des ans, Papon ne change pas. "
Maître Jakubowicz " Papon a dit il n’y a pas de prise de conscience quand on obéit aux ordres du gouvernement, qu’en pensez-vous ? "
Robert Chaix " Non, je n’en ai pas le souvenir "
Maître Jakubowicz insiste.
Robert Chaix " Non, je ne crois pas que Papon soit capable de tenir de tels propos "
Maître Wetzer " Combien d’années avez-vous passé avec Papon ? "
Robert Chaix " de 1962 à 1967. "
Maître Wetzer " Est-il arrivé que vous évoquiez ses activités pendant la guerre ? "
Robert Chaix " Je n’étais pas assez proche de Papon pour qu’il m’en parle. "
Maître Wetzer " mais d’autres personnes, il arrive souvent qu’on évoque ses activités pendant la guerre ? "
Robert Chaix " Non. "
Maître Wetzer " Papon a parlé de quinze - vingt morts, vous de deux ou trois, comment expliquez-vous cette différence ? "
Robert Chaix " Je peux l’expliquer, on a retrouvé des corps dans la Seine, le lendemain, cela explique la différence. "
Maître Blet " onze mille arrestations, qu’est-il arrivé aux arrêtés ? Combien y a-t-il eu de blessés dans la police ? "
Robert Chaix " Soixante blessés dans la police - cent-deux policiers morts de 58 à 62. Les onze mille ont été libérés, seuls deux mille ont été assignés à résidence ou expulsés en Algérie. "
Maître Blet " Je souhaite confronter Jean Luc Einaudi avec la Cour. "
Maître Varaut " Tous les corps inhumés font l’objet d’une enquête par la police judiciaire. " Papon réservant ses observations pour la fin des débats, Jean-Luc Einaudi revient à la barre, parle de Constantin Melnik, conseiller de Michel Debré. Il a reconnu les faits, il dit en 1961 que chaque jour, il recevait des rapports où figurait le nombre de morts et de cadavres dans la Seine. Interrogé, Jean Gervais, directeur de cabinet de Papon a dit : " on retrouvait des noyés par balles. " Melnik précise qu’il a évalué le nombre de noyés à deux ou trois cents. Au pont de Neuilly, les policiers ont tiré les premiers (…) un policier m’a dit que certains de ses collègues poussaient les Algériens du pont de Neuilly, alors qu’ils disaient ne pas savoir nager. - Bourdet a affirmé qu’il y avait bien eu cinquante morts dans la cour de la préfecture. "
Robert Chaix revient à la barre, en fait, par moments, ils y sont même tous les deux ensemble. " Je maintiens ma déposition. Quel crédit peut-on apporter à Jean Luc Einaudi ? "
Le Président Castagnède à Jean Luc Einaudi " Y a-t-il eu des fonctionnaires qui ont parlé à l’époque ? "
Jean Luc Einaudi " Oui, " et il cite plusieurs noms de policiers, après avoir cité un nom à Robert Chaix " Le connaissez-vous ? "
Robert Chaix " Oui, c’est un syndicaliste. "
Le Président Castagnède " Y a-t-il eu une enquête ? "
Robert Chaix " Je ne sais pas. "
Jean Luc Einaudi " Non, il n’y en a pas eu, l’I.G.S. est intervenu, mais il n’y a jamais eu de suites. "
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