dimanche 19 septembre 2010

Sharon, charogne go Home

Etonnant le titre, pas tout à fait. Ce Samedi 18 septembre est le jour anniversaire  au cours duquel le monde découvrait l'ampleur des massacres à Sabra et Chatila . Ce massacre avait commencé Jeudi pour se poursuivre jusqu'à Samedi avant que des journalistes ne pénètrent les camps pour découvrir l'horreur. Ce crime a été perpétré avec la complicité active de l'armée israélienne sous les ordres d'Ariel Sharon. Ce criminel de guerre , ce génocidaire est toujours entre la vie et la mort  depuis 4 ans.
Et ce titre  fait allusion à une manifestation qui avait eu lieu à Tunis, le 4 mars 2005. Je suis tombé par hasard sur ce magnifique témoignage en cherchant à me documenter sur une petite victime palestinienne Imen Hajjou tombée à 2 ans sous les balles israéliennes peu de temps avant.

Ce témoignage, je vais vous le livrer ici tel qu'il a été écrit il y a un peu plus de 5 ans par cette jeune étudiante qui en remettant son papier à une manifestante Maya Jribi le lundi 7 mars 2005  a voulu par ce geste et sans le savoir inscrire cet évènement dans l'histoire de la résistance palestinienne.

Je suis une étudiante tunisienne, j’ai 23 ans, j’aime la vie, et j’aime beaucoup rigoler. Mes loisirs ? Je vais en boîte certains samedis soir, non sans avoir à soutirer un accord difficile de mes parents. J’aime la bonne ambiance, j’aime la compagnie de mes amis, et j’ai même suivi la Stara Académy.


La Palestine a toujours été dans mon cour, d’ailleurs dans notre salon, trône un joli bibelot illustrant la mosquée d’Al Aksa. Mais, La Palestine n’a jamais été au centre de mes discussions ni de mes préoccupations. Je réalise aujourd’hui que l’amour de la Palestine est comme l’amour des parents, il est évident, il est dans le sang. Je ne viendrai pas tous les jours dire à mon père tout l’amour que je lui voue, mais il sait, je sais, que son amour est beaucoup trop grand pour être dit, parlé. Pareil pour la Palestine.

L’annonce de la mort de la petite Imene Hajjou, je m’en souviens bien ..c’était le jour de mon anniversaire .ma mère s’apprêtait à amener le gâteau, et moi, impatiente de découvrir mes cadeaux, je suivais distraitement les info. Brusquement le beau visage du bébé crève l’écran ..j’ai la chair de poule.quelque part je me sens coupable de fêter mon anniversaire..Vous dire que ça a marqué mon anniversaire est vous mentir..on en a parlé un moment..et puis on s’est occupé de mon anniversaire..et j’avoue (oh ! oui j’avoue) que ma joie de découvrir le parfum que ma mère m’a offert et les lunettes griffées que mon père a soigneusement emballé dans un joli papier que je garde encore, m’a fait, en quelque sorte, oublier le visage de Imen Hajjou. Mais, croyez-moi. ce n’était pas un anniversaire comme un autre.

Et la vie continue.je suis entourée de plein d’amis, je réussis plutôt bien mes études, j’ai passé le permis, et je suis en train de faire des projets pour l’été pour travailler et économiser de l’argent pour pouvoir passer des vacances hors du pays .. Mon rêve !

Et vint la nouvelle : « SHARON EST INVITE PAR BEN ALI » Non ! Sharon le sanguinaire ! Sharon le criminel ! Sharon qui tue hommes, femmes, enfants ! Sharon que tout être humain ne peut que détester ! Sharon qui ne peut être catégorisé « être humain » ! Sharon parmi nous !

J’ai pleuré en l’apprenant. qu’exprime cela ? Ma haine ? Mon impuissance ? Ma colère ? Je ne sais. Tout ce que je sais. c’est qu’à cet instant, j’ai compris que je ne pouvais que REFUSER. Comment ? Je n’en savais rien. TROP C’EST TROP.

Entre amis, sans que nous l’ayons décidé, nous parlions de choses et d’autres, de week ends, et de fringues, mais aussi de Sharon.. Al Jazira, que je trouvais guindée, et trop politisée pour mon goût, est devenue ma source d’information. Et c’est par son biais que j’ai appris l’organisation de la manifestation du vendredi.

Je n’ai pas réfléchi, je n’en ai pas parlé à mes amis ni surtout à ma famille. Pourquoi ? Je n’en sais rien. J’ai peut être eu peur de leur réaction. Vont-ils pouvoir me dissuader ? Vont-il me faire prendre conscience de l’ampleur de l’acte auquel je me suis décidée de prendre part ?

Je crois tout simplement que c’est parce que je suis persuadée que c’est une décision purement personnelle, à la limite, qui ne se discute pas..

Le vendredi 4 Mars 2005, j’étais dans les rues de Tunis, seule, et je regardais..

Il m’était déjà arrivé de voir des flics partout, dans la rue, pour les matchs de foot par exemple, prés de la fac aussi, mais je ne me suis jamais sentie concernée.

Cet après midi, c’était différent, je sentais qu’ils sont venus pour moi. Pour me dire « LAISSE SHARON PRENDRE TON PAYS ». Et, je me sentais encore plus décidée à refuser.

J’ai vu des groupes avancer dans la rue Bourguiba, crier des slogans, se heurtant aux flics, j’ai vu des gens, que je ne soupçonnais même pas d’exister, décidés à aller jusqu’au bout.

J’observais. J’avoue que je n’ai pas osé me mêler à vous. Je n’ai pas su comment. Et probablement, j’avais peur. Une peur profonde mêlée à l’humiliation et à un sentiment de faiblesse tuant. Les flics pensaient certainement que j’étais une passante paisible qu’on empêchait de passer pour aller faire un lèche vitrines. Au fond, j’étais quelque part contente de leur jouer cette comédie.

J’ai continué mon chemin. Incapable de savoir ce qui m’arrivait. Au Passage, j’ai vu des jeunes, de mon âge, qui n’avaient pas peur, eux. Pas comme moi. Ils criaient des slogans pour la Palestine.

Je n’ai pas réfléchi.je me suis jointe à eux, et. rapidement tout a basculé . mon Dieu que j’ai eu peur ! Du sang, du sang, des flics, qui avaient des regards haineux comme je n’en avais jamais vu. Est-ce des êtres humains ? Me criait une voie interne. Est-ce des Tunisiens ?

J’avais très peur. Les larmes coulaient sur mon visage. Pourquoi je pleurais ? Ne me posez pas cette question ! Je ne saurais répondre. J’ai vu des flics frapper partout, je les ai vus de mes propres yeux rentrer dans les cafés et frapper. Imaginez, un citoyen siroter paisiblement son thé dans un café et se retrouver face à un flic qui le tabassait !

Je ne vois qu’un seul message dans cet acte : « Vous êtes tous pareils, vous êtes tous notre cible ! ». Et là j’ai compris.

Mes amis étudiants, mes amis, Tunisiens, j’ai compris : Depuis ce vendredi 4 mars, je suis concernée.

Etudiante tunisienne.

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