jeudi 14 avril 2011

La révolte arabe 2011: Un ça va, trois…….Bonjour les dégâts ( René nabe)

La révolte arabe 2011: Un ça va, trois…….Bonjour les dégâts

Zine el Abidine Ben Ali (Tunisie), en janvier, Hosni Moubarak (Egypte), en Février, Mouammar Al-Kadhafi, aux ides de mars… …

En hommage à la révolte du peuple arabe, première révolution démocratique du XXI me siècle, en ce qu’elle se fait, contrairement à celle des peuples d’Europe orientale dans la décennie 1990, sans soutien extérieur, contre leurs oppresseurs et les protecteurs de leurs oppresseurs, par articulation de la dialectique de l‘ennemi intérieur sur l’ennemi extérieur.

Avec mention spéciale pour les peuples en lutte (Arabie saoudite, Bahreïn, Jordanie, Irak, Yémen, Algérie, Maroc, Somalie, Djibouti), dont le combat marque la faillite de la doxa officielle occidentale et la déconfiture de l’élite politico médiatique occidentale.

L’annonce samedi 25 février 2011 par l’ancien ministre de la justice de Libye, M. Moustapha Abdel Jalil, de la formation à Benghazi d’un gouvernement provisoire représentatif de toutes les provinces du pays et de ses couches socio politiques en vue de piloter la transition de l’ère post Kadhafi a porté le coup de grâce à la légitimité et à la représentativité du guide de la Jamahiriya.

Au dixième jour des combats marqués par le ralliement à la contestation populaire de tous les survivants du groupe des officiers libres, tombeur de la dynastie senoussie, en 1969, de la quasi-totalité des provinces et des tribus du pays, de larges couches de l’administration civile, des forces armées et de la sécurité, le ministre démissionnaire a fait planer la menace de poursuites pénales internationales sur le dirigeant libyen, affirmant détenir de preuves sur la responsabilité directe du Colonel Mouammar Kadhafi dans la destruction du Boeing américain au dessus de la localité de Lockerbie (Ecosse).

Arcbouté sur la garde prétorienne du régime, une milice de 30.000 hommes dirigée par ses quatre fils, Mou’tassem Bilal, Saadi, Khamis et Hannibal, épaulés par un duo de collaborateurs sulfureux, son chef des services secrets Abdallah Senoussi, impliqué dans l’attentat anti français de l’UTA au dessus du Ténéré, et de son ministre des affaires étrangères, Moussa Koussa, abandonné par ses anciens frères d’armes, y compris le commandant en chef de l’armée, le commandant opérationnel des forces spéciales et le ministre de l’intérieur, le colonel Mouammar Al-Kadhafi subit le dernier quart d’heure de son long mandat, retranché dans la caserne militaire d’ Al Azizya, à Tripoli, qui lui tient lieu de résidence, ployant sous l’assaut de son peuple dans une véritable guerre de libération populaire contre sa dictature.

reneaba.com revient sur ce bilan de 42 ans de règne narcissique dans un papier intitulé

«Kadhafi: portrait total: Du fossoyeur de la cause nationale arabe, au fossoyer de son propre peuple».

Bilan de 42 ans de narcissisme: Du fossoyeur de la cause nationale arabe au fossoyeur de son peuple.

1ère partie – Le fossoyeur de la cause nationale arabe

Paris, 1 er Mars 2011 – Doyen des chefs d’Etat arabe depuis l’an 2000, et, paradoxalement, parmi les moins âgés des dirigeants arabes, Mouammar al-Kadhafi a longtemps été leur benjamin. Sa longévité, loin de consolider sa maturité, a accentué sa fatuité et accéléré les rythmes de ses foucades jadis juvéniles, désormais séniles.

Son accession au pouvoir en 1969, au lendemain de la traumatisante défaite de juin 1967, en pleine guerre d’usure le long du Canal de Suez, a fait l’effet d’un séisme stratégique. En amputant le camp occidental de deux importantes bases, une américaine, la base aérienne et d’interception des communications de Wheelus Air Field, à Tripoli, et la base anglaise d’El Adem, à Benghazi, chargée de formater et de contrôler la police libyenne, la garde prétorienne du régime monarchique, Kadhafi a dégarni l’alliance atlantique d’une large portion de la façade maritime de la Méditerranée orientale au profit du camp soviétique.

Des trois coups d’état qui ont sanctionné la défaite arabe de 1967 -le coup d’état baasiste de juillet 1968 en Irak, le coup d’état nassérien du Soudan du général Gaafar al Nimeiry, en Mai 1969, et le coup d’état de Mouammar al-Kadhafi, en septembre 1969, le basculement pro nassérien de la Libye aura eu l’effet le plus durablement dévastateur sur le dispositif occidental en Méditerranée orientale, zone de mouillage de la VI me flotte américaine, zone de maillage de la zone pétrolifère arabe, avec les bases anglaises d’Akrotiri et de Dékhélia (Chypre), de Massirah (sultanat d’Oman), ainsi que la base navale du protectorat britannique d’Aden et la plateforme aéronavale américaine de l’île de Diego Garcia (Etats-Unis), dans l’Océan indien.

Si la révolution de mai 1969 au Soudan a élargi le champ de manœuvre égyptien en faisant du Soudan l’arrière base stratégique de l’Egypte, le point de regroupement de la flotte des bombardiers à long rayon égyptiens, le coup d’état de Kadhafi a amplifié la percée soudanaise, neutralisant au passage les effets de la perte du sanctuaire nassérien en Irak. Dotant l’Egypte des infrastructures aéroportuaires militaires anglo-américaines alimentées par les gigantesques réserves pétrolières libyennes, il a atténue quelque peu les effets de la défaite de 1967, en privant de surcroît les occidentaux d’un point d’observation et d’intervention sur le flanc méridional de la Méditerranée. Mais très vite ce double avantage va se transformer en handicap et la promesse d’une ère nouvelle du combat arabe tourner au cauchemar du fait des revirements du soudanais et des reniements du libyen.

Parvenu très jeune au pouvoir, en 1969, à l‘âge de 26 ans, à la faveur d’un coup d’Etat, Mouammar al-Kadhafi s’y maintient depuis 42 ans, univers indépassable de trois générations de Libyens, au point que dans les recoins du pays beaucoup s’imaginent que la Jamahiriya -littéralement la populocratie (le gouvernement des masses)-, est sa propriété et non la propriété du peuple, tel qu’il l’a décrétée il y a trente ans.

Plus fort que les wahhabites, Kadhafi. Unique pays arabe portant le nom de son fondateur, l’Arabie saoudite, propriété de fait de la Famille al-Saoud, a tout de même vu se succéder depuis 1969 quatre monarques: Faysal, Khaled, Fahd et Abdallah. En Libye, Kadhafi se succède à lui-même.

Dirigeant nationaliste arabe, en 1969, il sera au gré des appellations journalistiques de la presse occidentale en manque de sensation mais non d’imagination, un chef de file du «trotskysme musulman», un «révolutionnaire tiers-mondiste», un «sage africain» pour finir sa mutation en chantre du pan capitalisme financier proaméricain. Mais par ses faits et ses méfaits, il aura été le meilleur allié objectif des Etats Unis et d’Israël, contribuant activement à la liquidation physique de ses alliés potentiels, les chefs de file du combat anti-américain et anti-israélien. Nul depuis n’a réussi à égaler sa performance.

Adoubé par Nasser, le plus populaire des dirigeants arabes de l’époque, qui voyait en lui son héritier, le fougueux colonel a fait chavirer le cœur des foules par son allure fringante et ses coups d’éclat: Nationalisations de l’industrie pétrolière, nationalisation de la gigantesque base américaine de Wheelus Airfield, rebaptisée «Okbah Ben Nafeh» du nom du grand conquérant arabe, nationalisation de la base anglaise d’Al Adem rebaptisée base «Gamal Abdel Nasser», Tripoli était surpeuplée d’hôtes nombreux qui logeaient à bord de bateaux ferries pour fêter l’évènement. Pas un mois sans qu’un festival, un colloque, une conférence des Indiens d’Amérique, une manifestation des musulmans de l’Île philippine de Mindanao ne donne lieu à des réjouissances. Beyrouth et Alger servaient de plateforme opérationnelle aux mouvements de libération du tiers-monde et Tripoli tenait de la kermesse permanente.

L’Euphorie aura duré deux ans. Jusqu’en 1971. A partir de cette date, chaque année apportera son lot de désolation, détournement d’un avion de ligne anglais pour livrer au Soudan des dirigeants communistes aussitôt décapités à Khartoum, évaporation sans raison du chef du mouvement chiite libanais Moussa Sadr, soutien résolu au Président soudanais Gaafar al-Nimeiry, pourtant un des artisans du transfert vers Israël de plusieurs milliers de juifs éthiopiens «Falashas».

Un phénomène d’hystérésis se produisit alors. Mais Kadhafi, et son entourage l’en persuadait, s’imaginait encore en phase avec son auditoire. En saltimbanque, le dirigeant libyen se livrait périodiquement à des exercices d’équilibrisme devant un public de plus en plus sceptique, à la réceptivité tarifée.

Retour sur le sombre bilan de celui qui aura été le héraut de l’unité arabe avant de devenir un allié objectif des États-Unis et d’Israël.

En 42 ans de pouvoir erratique, le chantre de l’unité arabe aura été l’un des fossoyeurs du nationalisme arabe, le démineur par excellence des menées américaines dans la sphère arabe, le meilleur allié objectif d’Israël et le fossoyeur de son peuple.

Tombeur de la dynastie Senoussi, première conséquence directe de la défaite arabe de juin 1967, l’héritier présomptif de Nasser sera propulsé au firmament politique lors de sa nationalisation des installations pétrolières anglo-saxonnes et de la gigantesque base aérienne de Wheelus Air Field, en juin 1970. Mais, simultanément, l’homme de la relève s’appliquera fougueusement à dilapider systématiquement le capital de sympathie qu’il s’était spontanément constitué et à affaiblir méthodiquement son propre camp.

Éternel second de la politique arabe réduit à un rôle d’appoint, Mouammar Kadhafi, épris de rêves de grandeur mais affligé d’un mouvement pendulaire, n’a jamais cessé d’osciller entre les deux pôles du monde arabe, le Machreq (le Levant) et le Maghreb (le Ponant), épousant toutes les formes d’union – confédération, fédération, fusion – tour à tour avec les États de la vallée du Nil (Égypte-Soudan), en 1970, avec les bureaucraties militaires prosoviétiques (Égypte, Syrie, Libye, Soudan), en 1971, puis avec l’Égypte seule, avant de se tourner vers le Maghreb avec la Tunisie (1980), puis l’Algérie… pour finalement jeter son dévolu sur l’Afrique dont il s’est appliqué depuis le début de ce siècle à jeter les bases d’un État transcontinental.

Par ses pulsions, impulsions et compulsions, ce fringant colonel n’aura jamais tiré le moindre coup de feu contre ses ennemis déclarés, Israël et les États-Unis. Mais sur son sombre tableau de chasse, il épinglera, tragiquement, certaines des figures les plus emblématiques du mouvement contestataire arabe, le chef charismatique du Parti communiste soudanais, Abdel Khaleq Mahjoub, en 1971, ainsi que le chef spirituel de la communauté chiite libanaise, l’imam Moussa Sadr, en 1978 (1).

La disparition du chef charismatique des chiites libanais, une communauté longtemps négligée par les pouvoirs publics libanais, qui se trouvait alors en pleine phase de renaissance trois ans après le début de la guerre civile libanaise, de surcroît en pleine montée en puissance de la Révolution islamique iranienne, a conduit à une radicalisation des Chiites Libanais et, au terme de nombreuses scissions, à la création du mouvement Hezbollah.

Autres victimes célèbres des turpitudes libyennes, Mansour Kikhiya, ancien ministre des Affaires étrangères de Libye et militant éminent des Droits Humains, porté «disparu», depuis décembre 1993, au Caire, où il a été vu pour la dernière fois, tout comme Jaballah Matar et Izzat Youssef al Maqrif, deux personnalités de l’opposition libyenne «disparu», également au Caire, en mars 1990.

Fantasque il ordonnera un jour le rasage du crâne de Ibrahim Bachari, l’ancien chef des services de renseignement, coupable d’avoir déplu au Guide, et sa rétrogradation au rang de factotum en affectation en faction dans une guérite devant le palais présidentiel. Bachari trouvera la mort quelque temps plus tard, à la manière du général Ahmad Dlimi, son compère marocain, par accident de la circulation.

Autre supplicié célèbre, Daif al Ghazal, journaliste au quotidien gouvernemental «Al-Zahf al Akhdar» (La marche verte), puis au journal en ligne «Libye al-Yom» (la Libye aujourd’hui), assassiné pour avoir dénoncé la «corruption et le népotisme» du Colonel Kadhafi. Son cadavre, mutilé, particulièrement les doigts de sa main qui soutenaient sa plume, a été retrouvé le 1er juin 2005 dans la région de Benghazi (Nord-est de la Libye), le jour même de l’assassinat à Beyrouth de Samir Kassir, mais, mystère du journalisme à sensation, alors que l’assassinat du journaliste franco-libanais du quotidien beyrouthin «Al-Nahar» faisait l’objet d’une légitime condamnation unanime et de non moins légitimes commémorations régulières, le supplice du libyen était frappé du sceau de l’anonymat le plus complet.

En 1984, Une tentative de coup de force déclenchera une véritable chasse aux opposants de tous bords. Luxe de raffinement, pour réprimer la tentative de coup de force dirigée contre sa résidence, la caserne militaire de Bab Al-Azizyah, le 8 mai 1984, le Colonel Kadhafi s’est fait délivrer un permis de meurtre légal par les «Congrès populaires de base», l’instance suprême du pouvoir dans ce pays.

Dans la foulée du vote de cette motion, le 13 mai 1984, autorisant la constitution d’«unités suicides» pour «liquider les ennemis de la révolution à l’étranger», deux ressortissants libyens -Oussama Challouf et Ibrahim al Galalia- présentés comme des membres de l’organisation intégriste des «Frères Musulmans» et «Agents de la CIA», les services de renseignements américains, étaient exécutés le 17 mai.

En 1979, une motion identique avait été votée contre les dissidents libyens résidant à l’étranger et neuf d’entre eux avaient été assassinés entre Février 1980 et Octobre 1981, à Athènes, Beyrouth, Londres et Rome notamment. Trois attentats particulièrement meurtriers ont en outre été imputés à la Libye, le premier contre une boite de nuit de Berlin «La Belle» et deux autres contre des avions de ligne occidentale.

À son actif aussi, au passif de la cause qu’il était censé promouvoir, la destruction des avions de lignes commerciales, un appareil de la compagnie américaine Panam à Lockerbie (Écosse), en 1988, un avion de la compagnie française UTA au dessus du désert tchadien, ainsi qu’un attentat contre une discothèque à Berlin. Ces deux attentats, l’attentat contre le jumbo de la Panam au dessus de Lockerbie (Ecosse), le 21 décembre 1988, et celui contre l’avion de la compagnie française UTA, en Afrique, l’année suivante, le 19 septembre 1989, auront fait, à eux deux, 440 morts. 270 pour Lockerbie et 170 pour celui de l’UTA.

Son palmarès en la matière, sans doute l’un des plus impressionnants au monde, soutient la comparaison avec les tyrans les plus redoutables de la planète. Menant une traque tous azimuts, il pourchassera aussi bien les figures de proue du chiisme, du communisme que du libéralisme, portant une responsabilité particulière, mais non exclusive, dans l’absence du pluralisme dans le Monde arabe.

L’épisode des six infirmières bulgares et du médecin d’origine palestinienne, –incarcérés «en guise de monnaie d’échange» pendant huit ans en Libye et torturés pour leur prétendue responsabilité dans l’inoculation du virus du Sida à des jeunes Libyens–, demeure en mémoire pour qu’il soit besoin de le rappeler.

L’engouement occidental pour la Libye ne saurait occulter les singulières méthodes du dirigeant libyen, dont les turpitudes passées le rendent passibles, selon les critères en vigueur, de la Justice Pénale internationale. L’homme est en effet coutumier de l’effet de surprise et des procédés tortueux. C’est ainsi qu’il mettra à profit un déplacement à l’étranger du vieux Roi Idriss Ier pour s’emparer du pouvoir, par un coup d’état, le 1er septembre 1969.

Il mettra en pratique cette même méthode à l’encontre de ses opposants et épinglera sur son tableau de chasse de prestigieuses personnalités arabes, opérant en toute quiétude et en toute impunité tout au long de ses 42 ans de pouvoir.

Au regard de ce bilan, les démarches de la communauté internationale pour traduire devant la Justice internationale les auteurs de l’attentat contre l’ancien premier ministre libanais, Rafic Hariri, le 15 février 2005, paraissent sinon dérisoires du moins anachroniques, en tout cas frappées du sceau de la partialité et de la duplicité.

L’animateur du groupe des «Officiers libres» libyens, ainsi dénommé sur le modèle de leurs aînés égyptiens, fera cause commune avec les Britanniques, au mépris de son aversion déclarée pour ses anciens colonisateurs, au mépris des règles de la navigation aérienne internationale, au mépris des règles sur le Droit d’Asile, en ordonnant le déroutement d’un avion de ligne de la BOAC (British Overseas Airways Corporation), en juillet 1971, pour livrer à son voisin soudanais, les auteurs communistes d’un coup de force, notamment le colonel Hachem Al Attah, un des plus brillants représentants de la nouvelle génération des jeunes officiers arabes, contribuant ainsi à décapiter le plus grand parti communiste arabe.

Les remords marmonnés en 1976 devant cet acte de forfaiture ne l’empêcheront pas de récidiver deux ans plus tard contre l’imam Moussa Sadr, mystérieusement disparu, en 1978, au paroxysme de la guerre du Liban. Le tortionnaire soudanais se déconsidérera par la suite, et son complice libyen avec, en supervisant le premier pont aérien d’Éthiopiens de confession juive vers Israël. Saluée par la presse occidentale comme un acte de bravoure, l’opération dans la foulée de la double décapitation du plus grand parti communiste du monde arabe et du premier mouvement militant chiite du monde arabe (Amal), a affecté durablement les capacités combatives du camp progressiste et renforcé les capacités démographiques d’Israël avec l’apport de 80 000 juifs d’Éthiopie.

L’homme fera le délice des journaux occidentaux trop heureux de cette aubaine médiatique. Mais sa désinvolture suscitera des pulsions mortifères dans de larges couches du monde arabe. En 1982, dans Beyrouth assiégée, à Yasser Arafat ployant sous le pilonnage de l’aviation israélienne face à un immobilisme arabe quasi-général, l’homme de Tripoli, confortablement tapi à Aziziah, la caserne militaire transformée en résidence officielle, à des milliers de kilomètres du camp retranché libanais en ruines, plutôt que de forcer le blocus israélien pour voler au secours du chef palestinien, plutôt que de se taire, lui conseillera, affligeant conseil, non le «martyr», la sublimation symbolique de la mort au combat, mais le suicide, infligeant une épreuve supplémentaire au supplice palestinien.

Quatre ans plus tard, terré une semaine dans son abri tripolitain au premier coup de semonce de l’aviation américaine, en avril 1986, Kadhafi, orchestrera, sans crainte du ridicule, une campagne médiatique visant à élever Tripoli au rang de «Hanoi des Arabes», occultant le combat singulier des Beyrouthins durant les soixante jours de siège israélien, s’attirant par la même le sarcasme des correspondants de guerre plutôt avertis des réalités du terrain.

L’homme fera aussi la fortune des marchands d’armes et la ruine de son pays. L’impressionnant arsenal militaire dont il s’est doté dès son arrivée au pouvoir en 1970 par des achats massifs d’armes à la France – dont le contrat du siècle portant sur la livraison de 75 avions de combat Mirage, de l’ordre de 15 milliards de francs de l’époque (environ 2,3 milliards d’euros) – sera carbonisé en 18 mois par son propre fournisseur français par suite de retentissants revers au Tchad, en 1985 et 1986, notamment à Wadi Doum et Faya Largeau.

Sans égard pour les conséquences tragiques de sa décision, Kadhafi ordonnera l’expulsion de 200 000 travailleurs égyptiens, au début des années 1980, pour sanctionner l’équipée solitaire du président Anouar el-Sadate dans ses négociations de paix avec Israël. Récidiviste, il ordonnera cinq ans plus tard, en 1984, l’expulsion de près d’un million de travailleurs africains pour sanctionner les réticences des dirigeants africains à l’égard de son activisme belliqueux.

Nul dans son entourage n’a osé lui souffler alors que le chantre de l’Unité Africaine ne pouvait être crédible en ordonnant l’expulsion de près d’un million d’Africains, que le chantre de l’Unité Arabe ne pouvait être audible après sa décapitation des chefs de file du camp anti-impérialiste.

Références

1 – Le parquet militaire libanais a lancé le 5 Août 2007 un mandat d’arrêt, par défaut, pour un procès par contumace, à l’encontre de quinze personnalités libyennes qui pourraient être impliquées par cette disparition. Parmi les personnes recherchées figurent le Commandant Abdel Salam Jalloud, à l’époque N°2 du régime Libyen, évincé en 1993, Ali Abdel Salam Triki, à l’époque ministre des Affaires étrangères, le Commandant Wakil Al Roubeihy, commandant de la police de Tripoli, Ahmad Chehata, chef du bureau de liaison des relations internationales au ministère des Affaires étrangères ainsi que Mahmoud Ould Daddah, ambassadeur de Mauritanie en Libye.

M. Abdel Moneim al-Houni, ancien membre du «groupe des officiers Libres, a affirmé que Moussa Sadr a été assassiné et enterré dans la région de Sebha dans le sud du pays. Le pilote Najmeddine al-Yaziji, à l’époque pilote de l’avion de Kadhafi, avait été chargé de transporter le corps de l’Imam Sadr pour l’enterrer dans la région de Sebha.

Peu de temps après, al-Yaziji a été lui-même liquidé par les renseignements libyens pour que l’affaire de l’assassinat de Sadr ne soit pas divulguée, a ajouté M. Abdel Moneim al-Houni, dans une interview au quotidien Al Hayat, mercredi 24 février 2011, après sa défection de son poste de représentant de Libye auprès de la Ligue arabe. L’Imam Sadr était accompagné de son bras droit, cheikh Mohammad Yacoub, et, du journaliste Abbas Badreddine. Il y avait été vu pour la dernière fois le 31 août 1978. Depuis cette date, les trois hommes n’ont plus donné aucun signe de vie.

Libye: Kadhafi, portrait total. 2/3

par René Naba

Bilan de 42 ans de narcissisme: Du fossoyeur de la cause nationale arabe au fossoyeur de son peuple.

Un théoricien de pacotille en toile de fond des frasques de la fratrie

Piètre stratège, piètre tacticien, d’une nocivité vibrionnante, l’homme s’aliénera alors définitivement la sympathie de ses alliés naturels. Il ne devra sa survie qu’à la protection de l’Union soviétique qui pensera compenser par la Libye la défection de l’Égypte post-nassérienne, à la vigilance des services de renseignements est-allemands qui déjoueront de nombreuses tentatives de coup d’État fomentés contre lui, ainsi qu’à celle des aviateurs nord-coréens et syriens qui assureront une protection permanente de son espace aérien.

La guerre verbale aura été la seule guerre qu’il aura véritablement menée. L’homme avait en effet développé une phraséologie outrageusement polémique dans le souci d’accréditer l’idée qu’il menait l’avant-garde du combat contre «l’impérialisme américain» et faire oublier ainsi ses connexions antérieures anglo-saxonnes. Kadhafi usait, ainsi que ses médias, d’une terminologie à telle point outrancière que la population avait peine parfois à la décoder.

Un sommet Reagan Thatcher, du nom du président américain Ronald Reagan et du Premier ministre britannique Margaret Thatcher, au pouvoir dans les années 1980, était présenté comme une rencontre entre «le chien enragé d’Israël et la tueuse d’enfants» par allusion au raid américain d’avril 1986 contre Tripoli au cours duquel la fille adoptive du colonel avait été tuée. Le Caire qui signifie en arabe «la victorieuse» était désignée, par inversion, par la «vaincue» et le mouvement chiite Amal qui signifie en arabe «l’espoir» était qualifié de «désespoir». La «Maison-Blanche» était devenue la «Maison-Noire», le Royaume-Uni, «Le porte-avion immobile des Américains», par allusion à l’autorisation donnée aux appareils américains de décoller des bases britanniques lors du raid contre la Libye. Le président égyptien Hosni Moubarak était, par un jeu de mots, l’affalé (Al-Barek), le roi Hussein de Jordanie «le traître» et le président tchadien Hissène Habre, en conflit avec la Libye, «le stipendié».

Se piquant de culture, le «Guide suprême de la Révolution libyenne» édictera son Livre Vert, un condensé de théories contradictoires glanées de l’air du temps qui se présentait comme une sorte de «Troisième théorie universelle». Offert gracieusement à toute personne de passage en Libye ou en rapport avec ce pays, une formalité obligée, cet ouvrage se proposait d’instaurer un socialisme sans socialistes, une démocratie sans démocrates et un pouvoir populaire sans peuple. La «populocratie» «Jamahiriya» qui lui a tenu lieu de substitut, a érigé la bureaucratie en système de gouvernement et le parasitisme en règle de vie.

Un blocus draconien de dix ans (1992-2002) aura raison de sa résistance. Kadhafi livrera son plus proche collaborateur à la justice internationale en tant que victime expiatoire de l’attentat de Lockerbie, avant de basculer lui-même sous les fourches caudines américaines, trop heureux d’échapper au sort funeste de l’irakien Saddam Hussein.

En 1995, hanté par une idée qu’il pensait «géniale», il expédia un groupe de Libyens en pèlerinage à la Mosquée Al-Aqsa à Jérusalem, troisième haut lieu saint de l’islam, s’imaginant briser par un coup d’éclat le blocus frappant la Libye depuis trois ans. Mais ce pèlerinage rocambolesque a finalement abouti à cautionner la souveraineté israélienne sur la ville sainte et à conforter l’État hébreu dans son rôle de garant des lieux saints.

En décembre 2003, en une opération apparue comme une capitulation en rase campagne, Kadhafi s’abandonnera aux Américains livrant sans coup férir la totalité de son programme nucléaire à l’administration néoconservatrice du président George Bush Jr, dévoilant du même coup tout un pan de la coopération des pays arabes et musulmans (Pakistan, Iran, Syrie) dans le domaine de la technologie nucléaire.

Sadate dans son escapade solitaire avait pour lui l’excuse de la paix. Kadhafi, la survie de sa personne. Deux ans après sa reddition sans condition à l’ordre américain, le colonel Kadhafi, égal à lui même au sommet arabe d’Alger, le 22 mars 2005, traitait Palestiniens et Israéliens d’«idiots» pour n’avoir pas édifié une fédération «Isratine», néologisme forgé par la contraction d’Israël et de Palestine, gommant d’un trait cinquante ans de combat du peuple palestinien pour prévenir la négation de son identité nationale.

Au plus fort de l’exaspération nationaliste en Irak et en Palestine, alors que le Premier ministre israélien Ariel Sharon se livrait en toute impunité à des liquidations extrajudiciaires, les assassinats ciblés par hélicoptère des dirigeants islamistes, cheikh Ahmad Yacine et Abdel Aziz al-Rantissi, alors que le chef démocratiquement élu de l’Autorité palestinienne en personne, Yasser Arafat, était confiné en résidence forcée depuis trois ans à Ramallah et que l’opinion mondiale était sous le choc des révélations des tortures de la prison irakienne d’Abou Ghraïb, le libyen, toute honte bue, justifiait son renoncement en des termes qui ont retenti comme une désertion. «L’Amérique n’a jamais été l’ennemie de la Libye, laquelle a été sanctionnée pour sa solidarité avec Yasser Arafat et les causes du tiers monde [...]. Arafat s’acoquine avec les Américains et son Premier ministre se saoule avec son homologue israélien [...]. Les Libyens doivent se ranger du côté de l’Amérique», affirmera-t-il contre toute évidence à Syrte devant une assemblée impassible dépitée par tant de reniements.

Les frasques de la fratrie

Maniérisme avéré? Narcissisme affirmé? Ce révolutionnaire aura vécu dans l’opulence à bords de voitures rutilantes, d’amazones de légende, une ribambelle de jolies filles chargées de sa protection rapprochée, un tailleur italien à deux doigts de couture de son auguste personne, ses enfants, Seïf El Islam et surtout le cadet Hannibal, dans un luxe tapageur, défrayant régulièrement la chronique mondaine des capitales occidentales.

La fratrie Kadhafi de sept membres, à la personnalité singulièrement contrastée, présente une particularité propre à la famille: trois des enfants du Colonel, le sportif Sa’adi, Moutassem Billah (alias Hannibal), et Khamis servent dans l’armée libyenne, avec le grade de colonel, le grade de leur papa; un grade indépassable par un curieux phénomène d’atavisme.

Un câble WikiLeaks de 2006 révélait déjà que tous les enfants de Kadhafi et ses proches touchaient de gros revenus de la Compagnie nationale de pétrole et des autres filiales pétrolières, notamment le secteur gazier et les activités connexes, les télécommunications, les infrastructures, le secteur hôtelier, les médias et la grande distribution.

1- L’aîné Mohamad (39 ans): Fils d’un premier mariage, il est l’artisan de l’implantation en Libye d’Alcatel via sa holding privatisée qu’il préside Libyana Mobile Phone à la faveur d’une transaction qui lui a permis d’empocher 330 millions de dollars. Ingénieur discret, il préside l’Association Méditerranéenne des Echecs.

2- Seïf Al-Islam (natif de 1972): «Le glaive de l’Islam» est le premier enfant du colonel Kadhafi avec sa deuxième femme Safia Farkash, une croate. Aîné de six enfants, il se vivait comme le prétendant au trône de cette République dynastique. Architecte peintre, playboy dilettante à ces temps perdus, il est le parangon de la modernisation de la Libye. Le « Glaive » a joué un rôle clé dans le règlement de tous les contentieux, notamment ceux nés des attentats terroristes commandités par Tripoli depuis la décennie 1980. En France, il est surtout connu pour son rôle dans la libération des infirmières bulgares, en 2007, et l’indemnisation des familles des victimes de l’attentat de Lockerbie (Ecosse) et du DC-10 de la compagnie française UTA abattu au dessus du désert du Ténéré en 1988. Deux attentats qui constituaient l’obstacle majeur à la normalisation des relations entre la Libye, les Etats-Unis et l’Europe.

Présidant la Fondation Kadhafi, organisation caritative non gouvernementale, il déploiera des talents de négociateur au service d’une véritable diplomatie parallèle, ponctionnant l’argent des hydrocarbures pour amadouer les Occidentaux à coups de contrats d’armements (1). Sa politique d’ouverture a permis le retour en Libye de grandes compagnies pétrolières, l’américaine Exxon Mobil, la britannique BP et l’italienne ENI. Au fil de ces multiples « bons offices », l’héritier présumé a fait oublier l’image du playboy qui voyageait accompagné par ses deux panthères lorsqu’il était étudiant à Vienne. Après des études d’architecture à Tripoli, interdit de visa à Paris dans les années 1990, il avait en effet poursuivi des études à l’International Business School de Vienne (Autriche) où il s’était lié d’amitié avec le chef de la droite populiste Jörg Haider.

Pour les besoins de l’arrimage de la Libye à la Mondialisation, les journaux occidentaux adossés aux conglomérats de l’armement et des travaux publics ont limé la partie contondante et abrasive de son prénom pour le désigner plus sombrement du prénom de Seïf, amputant la partie essentielle de son prénom, celle qui constituait au regard de son père la phase conquérante et révolutionnaire de son programme que ce prénom induisait. L’héritier qui se préparait à la succession aurait payé à la chanteuse Mariah Carey la somme d’un million de dollars (728.000 euros) pour qu’elle vienne lui chanter quatre de ses tubes sur l’île de Saint Barthélémy, dans la mer des Caraïbes. Soucieux toutefois de se doter d’un vernis de respectabilité, ce propriétaire d’une luxueuse résidence à Londres se donnera les moyens de décrocher un diplôme à la prestigieuse London School of Economics sur la base d’un mémoire soutenu en 2008 sur le thème «le rôle de la société civile dans le processus de démocratisation», une distinction universitaire assortie d’un don de 1,5 millions de livres sterling de sa Fondation à l’établissement londonien en vue de créer un Centre pour les Etudes de la Démocratie. Jugeant que la répression pratiquée en Libye en février 2001 ne correspondait pas aux enseignements qu’elle dispensait même au titre de travaux pratiques, LSE reconsidérera l’ensemble de ses relations avec la Libye et renoncera à ses subventions (2).

3- Saadi (37 ans): Le footballeur fantaisiste, président du comité olympique de son pays, a connu la notoriété internationale pour avoir provoqué une fusillade mortelle dans un stade de foot à Tripoli. Membre de l’équipe de Pérouse (Italie), sa carrière internationale passe pour avoir été l’une des plus courtes de l’histoire footballistique mondiale. Jamais sélectionné dans ce club qu’il s’est fait pourtant offrir par son père, il sera condamné en 2003 pour dopage. Actionnaire du club italien de football de «La Juventus», il dirige aujourd’hui une unité d’élite de l’armée dont il s’en servait pour faire pression dans des affaires commerciales, avant d’être envoyé à Benghazi, au début des troubles pour mâter la rébellion. En vain. L’homme est passé à la postérité pour être «le buteur du millénaire», à la faveur d’un match commandité le 31 décembre 2000 à 23HOO pour lui permettre de marquer un but, spécialement, au passage vers le nouveau millénaire. Sa compagne dans la vie n’est autre que Vanessa Hessler, mannequin italien de la publicité Alice de la firme ADSL

4-Khamis, formé en Russie, est à la tête d’une brigade spéciale chargée de la sécurité de son père, le point d’équilibre et d’interposition de la compétition inter clanique, entre Seïf Al Islam Kadhafi (le réformateur) et Mou’tassam Bilal, conseiller pour la sécurité nationale, qu’une vive rivalité pour le pouvoir a opposée dans la succession paternelle. Homme des missions difficiles, il aurait été chargé d’obtenir la neutralité des pays occidentaux dans la guerre civile larvée qui sévit en Libye depuis le 17 février.

5- Mou’tassem Billah (34 ans), littéralement «cramponné à Dieu». Celui qui s’est choisi comme pseudonyme Hannibal porte un nom prestigieux associé à l’épopée de Carthage. Médecin et militaire de formation, ce colonel de l’armée libyenne a présidé jusqu’en 2007 le Conseil national de sécurité, avant d’en être écarté après des remis familiaux. Il y sera réintégré en tant que conseiller. Partisan d’une politique musclée, il passe pour contrôler pour le compte de son père les réseaux d’influence et les groupes de pression en Libye. Artisan du récent apaisement entre la Libye et l’Egypte du temps de Hosni Moubarak.

Antépénultième des cinq descendants mâles de la famille Kadhafi, il s’est distingué par ses abus de comportement et ses excès de langage, se révélant comme la pâle copie d’une marionnette vaudevilliste, usant et abusant du comique de répétition. Fougueux, habitué des gazettes des faits divers, il avait confondu en 2004, au terme d’une nuit chargée de bruits et de fureurs, la prestigieuse avenue parisienne des Champs Elysées avec un circuit automobile de Formule 1, démarrant en trombe à 140 heures km à l’heure. Récidiviste en 2005, il avait roué de coup sa compagne libanaise d’alors, à l’époque enceinte. En 2006, son nom a été mentionné dans un réseau de prostitution de luxe opérant à Cannes (sud de la France).

En 2008, en charge de l’intendance, il avait eu l’ingénieuse idée de commander en Suisse les montres Chopard destinées à honorer les hôtes de marque conviés à la commémoration du régime. Dans un coup de colère dont il est coutumier, il avait roué de coup des membres de son entourage suscitant son interpellation par la police suisse et une crise diplomatique subséquente entre la Suisse et la Libye. Un an et demi après son arrestation à Genève, le fils prodigue du colonel Kadhafi aurait de nouveau fait des siennes. En vacances à Londres pour Noël, Hannibal aurait provoqué l’intervention de la police après avoir roué son épouse de coups.

Dépensier et fêtard, il a fait scandale à Saint Barth, en 2009, lors d’une soirée festive en présence de Jay-z et Beyoncé. Il passe pour avoir réclamé à son géniteur la somme astronomique de 1,8 milliards de dollars (1,3 milliards d’euros) pour se constituer «sa propre milice», à l’identique à celle dont dispose ses frères. Ses vœux seront exaucés par son propre frère Khamis, qui se chargera de lui satisfaire son caprice, en lui donnant la possibilité de «commander un groupe de force spéciale qui lui sert d’unité de protection du régime». Hannibal aura aussi égayé les vacanciers européens, deux étés durant en 2008 et en 2009, allant jusqu’à provoquer une crise diplomatique entre la Suisse et la Libye, alors que son père faisait l’objet fin Août d’une citation à comparaître devant la justice libanaise pour sa complicité dans la disparition du chef spirituel chiite libanais l’Imam Moussa Sadr.

Fondant son pouvoir sur la transgression, l’alcool, le sexe et la violence, usant du charme d’un physique avantageux, Hannibal est victime de la contradiction de son père qui clame sa cesse sa volonté de révolutionner les mœurs arabes, mais qui se révèle incapable de donner une vraie éducation à ses fils, dont Hannibal est le plus démonstratif, contrairement à Seïf al-Islam, qui s’abstient des frasques au grand jour. A chacun de ses dérapages, s’abritant derrière l’immunité diplomatique que lui confère son statut de «fils à papa» pour se doter d’une impunité, il use et abuse de sa position en une pathétique dérive caricaturale du pouvoir libyen qui se revendique comme une populocratie (gouvernement des masses) mais qui se révèle comme une des plus grandes supercheries politique de l’histoire arabe contemporaine

6-Seïf Al Arab, diplômé de l’université de Munich, amoureux de vitesse, il a eu maille à partir avec la police allemande qui lui a confisqué sa Ferrari pour excès de vitesse et conduite dangereuse.

7- Aïcha: Unique fille de Kadhafi est la présidente de la fondation caritative «Waatassimou», par référence aux premiers termes d’un verset du Coran qui stipule «cramponnez-vous à la croyance en Dieu et vous dispersez pas». Son activité caritative camoufle mal ses nombreuses acquisitions octroyées par son père dans «les secteurs de l’énergie et de la construction, ainsi que des intérêts financiers dans la clinique privée de St James à Tripoli.

Juriste flamboyante, elle a participé au comité, elle a participé au comité de défense de l’ancien président irakien Saddam Hussein. Diplômée de l’Université Paris V (René Descartes), auteur d’une thèse sur le tiers monde dirigée par le professeur Edmond Jouve, la benjamine de la famille ambitionnait un rôle de premier plan dans son pays jouant la carte de la féminité et de modernité. Portant lunettes noires et jeans, cette fausse blonde décolorée est présentée par la presse internationale au gré des rumeurs de son comportement tantôt comme la «Claudia Schiffer de la Libye», tantôt comme la lofteuse «Loana» de la téléréalité française, sans qu’il soit possible de savoir si cette extravagance constitue un atout ou un handicap dans une société majoritairement d’extraction bédouine.

Le dernier et le 8eme enfant de la fratrie Kadhafi est Hana’ (douceur sereine), fille adoptive du colonel, tuée lors du raid américain contre Tripoli en 1986.

Libye Kadhafi, portrait total 3/3

par René Naba

Bilan de 42 ans de narcissisme: Du fossoyeur de la cause nationale arabe au fossoyeur de son peuple.

Le fossoyeur de son peuple ou la Révolution comme alibi

Objet d’une tentative de renflouement de la part des pays occidentaux en raison du fabuleux marché que représente son pays et du possible rôle de gendarme qu’il est destiné à jouer aux portes de l’Europe contre l’immigration clandestine africaine, le «Guide de la révolution», vu de la rive sud de la Méditerranée, est un homme qui n’inspire ni de bons sentiments, ni de beaux souvenirs.

Pays méconnu, longtemps mis au ban de la communauté internationale, dirigé par un homme qui a longtemps encombré l’inconscient collectif par ses extravagances, la Libye a fait son grand retour sinon sur la scène internationale à tout le moins sur la scène médiatique avec la permanence des contorsionnements qui ont fait sa réputation et les malheurs du monde arabe. Au point de l’accuser de cultiver «l’alibi comme révolution», tant les officiels libyens sont passés maîtres dans l’art de triturer la réalité, de torturer la vérité dans l’unique but de s’exonérer de tout ce gâchis.

A- La reddition à l’ordre israélo américain

Six ans après le raid américain contre Tripoli et Benghazi, la Libye était en effet frappée d’embargo par l’ONU, en avril 1992, à la demande des Etats-Unis qui avaient attendu la fin de la 1ère guerre contre l’Irak (1990-1991) pour activer la machinerie diplomatique internationale en vue de remettre la pression sur le Colonel Mouammar al-Kadhafi, considéré alors comme un chef de file révolutionnaire dans le tiers-monde et commanditaire d’attentats de type terroriste. Pendant sept ans (12 avril 1992- 11 décembre 1999), la Jamahiriya vivra en autarcie économique et en réclusion médiatique, comme zappée des écrans mondiaux. Le trublion ne faisait plus recette, faute de ressources, faute de recette miracle pour amuser la galerie. Hagard, livide, Kadhafi errait de campement en campement dans son grand désert libyen, subitement déserté par la cohorte des satrapes en manque de sinécures.

La Libye n’était pas d’un abord facile. Elle est devenue d’un accès difficile. Douze heures de route depuis Djerba en Tunisie, même en limousine climatisée, même à travers une route goudronnée, pouvaient rebuter le plus endurci des voyageurs: Tripoli est l’une des villes les moins riantes du pourtour méditerranéen et le discours libyen d’une indigence soporifique. Et puis la Libye n’était pas l’Empire du milieu ni Kadhafi le centre du Monde, dont le centre de gravité s’était déplacé depuis le début de la décennie 1980 vers l’Asie occidentale, la zone Afghanistan Irak, l’autre point d’endiguement du camp antioccidental.

L’Irak, fort de son exploit d’avoir fixé la Révolution chiite khomeyniste pendant dix ans (1979-1989) sur le champ de bataille irako iranien dans la plus longue guerre conventionnelle de l’histoire moderne, convoitait le Koweït en guise de butin de guerre pour renflouer sa trésorerie défaillante. Une «tempête du désert» soufflée par l’Amérique pulvérisera et ses rêves et ses projets, renvoyant l’Irak à un âge quasi-néolithique, en marge de l’Histoire et Saddam Hussein, le Nabuchodonosor des temps modernes, réduit au rang de simple mercenaire des pétromonarchies du Golfe. Un constat d’autant plus amer que la tempête chamboulant tout sur son passage rompait la logique des blocs en cimentant dans une même alliance d’anciens adversaires irréductibles (Nord-Sud, producteurs et consommateurs de pétrole, Arabes et Israéliens), un bouleversement stratégique préfigurant les alliances du XXI me siècle qui se reproduira lors de l’invasion américaine de l’Irak, en 2003, qui se reproduira une troisième fois en 2007-2008 contre l’Iran en phase de nucléarisation.

L’Afghanistan, l’autre volet de la stratégie américaine, avait lui aussi cloué au sol pendant dix ans (1980-1990) la glorieuse «armée rouge», accélérant la décomposition de l’Empire soviétique, mais les Talibans wahhabites, fruits de la copulation américano saoudienne, désormais en déshérence de pouvoir, procédaient au meurtre symbolique de leurs parrains respectifs par une série d’actions d’éclats politique et militaire contre le royaume saoudien et les Etats-Unis d’Amérique. Alors que l’ancien agent de liaison entre Américains et combattants islamistes, Oussama Ben Laden, ancien ressortissant saoudien, revendiquait la constitution d’une «République islamique du Hedjaz» sur le périmètre des lieux saints de l’Islam pour châtier la dynastie «impie» des Wahhabites pour sa connivence avec l’Amérique lors de la guerre contre l’Irak, ses poulains se livraient en 1995 à des attentats contre des objectifs américains en Afrique (attentats contre les ambassades américaines de Dar es-Salaam (Tanzanie) et Nairobi (Kenya), ainsi que contre le QG de la garde nationale saoudienne, en prélude au grand exercice de pyrotechnie aérienne du 11 septembre 2001.

La Libye était aux abonnés absents, à dire vrai, le cadet des soucis des Américains. En butte comme eux à l’opposition islamiste, Kadhafi retrouvera les attraits d’autant plus rapidement qu’il avait rendu de signalés services aux occidentaux durant sa période faste, pourchassant les communistes soudanais, décapitant le mouvement chiite libanais Amal, apparaissant de surcroît comme un utile contrepoint à l’Algérie et à la Russie, deux pays hors de la sphère occidentale, fournisseurs exclusifs de gaz à l’Europe continentale. Le blocus de la Libye a duré sept ans (12 avril 1992-11 décembre 1999), le plus court blocus de l’histoire contemporaine. En comparaison, Cuba résiste depuis cinquante ans au blocus américain. Malgré toutes les privations, le régime castriste continue de tenir tête à la première puissance militaire de la planète pourtant située à quelques encablures de l’Île. Fidel Castro assumera la transition du pouvoir après s’être assuré de la relève révolutionnaire en Amérique latine, Hugo Chavez au Venezuela et Evo Morales en Bolivie.

Saddam Hussein, pour sa part, aura résisté 13 ans à la pression américaine et tombera dans la dignité, faisant de son supplice un exemple de courage dans l’adversité, transcendant son passé dictatorial au point de passer pour un «martyr» au regard d’une large fraction de l’opinion arabe et musulmane. Kadhafi, lui, sacrifiera deux de ses subordonnés en guise de solde de tout compte aux attentats aériens qu’il est accusé d’avoir commandité à Lockerbie (Ecosse) et au Ténéré (désert africain). Il sacrifiera également dans la foulée son programme nucléaire dévoilant du coup tout un pan de la coopération atomique avec les pays arabes et musulmans pour la survie de son régime.

B – Le renflouement occidental

Premier déplacement officiel en Europe occidentale depuis un quart de siècle, la visite du Mouammar al-Kadhafi en France, le 10 décembre 2007, se voulait un acte de réhabilitation solennelle du dirigeant libyen par la communauté occidentale par suite de son ralliement à sa stratégie tant en ce qui concerne son désarmement, que la lutte contre le fondamentalisme islamique, l’immigration clandestine africaine ou la politique énergétique mondiale. Mais ce processus de respectabilisation semble s’être retourné contre ses concepteurs tant les objectifs divergeaient sur le sens et la portée de ce voyage, leur conception respective de l’hospitalité, les pesanteurs du pays hôte, la fulgurance de l’autre.

Tout pourtant avait été méticuleusement réglé pour que le séjour français du dirigeant libyen soit vécu comme une apothéose, la justification a posteriori de ses reniements successifs et sa mise conformité avec les standards occidentaux. Tout jusques et y compris la date de la visite qui ne devait rien au hasard. En perfectionniste, le protocole français avait fait coïncider la visite avec la date commémorative du 8 me anniversaire de la levée des sanctions de l’Onu le 11 décembre 1999. Manque de chance ou de perspicacité? Cette date là coïncidait aussi avec la célébration annuelle de la Journée internationale des Droits de l’Homme. Un hasard de calendrier malheureux qui donnera l’occasion à d’anciens commensaux de Kadhafi de se démarquer à bon compte, en un pur exercice de démagogie et d’opportunisme politique. Ce fut notamment le cas de Rama Yade, une participante aux agapes de Juillet à Tripoli avec le Colonel Kadhafi, qui n’hésitera pourtant pas à s’indigner opportunément lors de la venue du dirigeant libyen à Paris. Ainsi se forgent les légendes par le maniement d’une indignation sélective.

Chef d’un Etat à la richesse convoitée, Kadhafi se vivait à Paris de plain pied comme un négociant majeur de la scène mondiale, non comme un marginal. Sa visite au château de Versailles casqué en peau de lapin et botté n’avait pas d’autre sens. La où ses détracteurs, nombreux, décelaient des excentricités, Kadhafi ancrait sinon son authenticité du moins son originalité: Installer une tente dans l’enceinte du Palais Marigny, la résidence officielle des hôtes de la France, pouvait accentuer l’image caricaturale des Arabes, déjà passablement dégradée dans un pays en pleine poussée xénophobe. Et beaucoup se sont gaussés de ce Camp du Drap d’or, de ce camp du drap d’or griffé Dior, qui a accentué dans l’opinion l’idée d’un Roi d’opérette, ce qu’il peut être par moment, souvent, passionnément même devant la cohorte de ses flagorneurs.

Le dîner a minima à l’Elysée d’où s’exonérèrent de personnalités de premier plan, tel Bernard Kouchner, en charge de la diplomatie et à ce titre un ancien commensal de Kadhafi en juillet à Tripoli, achèvera de convaincre le libyen que ce voyage prenait l’apparence d’un attrape-nigaud. Là où Sarkozy faisait miroiter centrales nucléaires, avions de combat rafale invendables, le bédouin du désert libyen comptabilisait les manquements à son égard. L’Espagne, deuxième étape de la tournée européenne du dirigeant libyen, fera une abondante moisson de onze milliards de dollars de contrats. La France, un maigre kopeck. La mauvaise alchimie entre un dirigeant libyen erratique et un président français impulsif et compulsif a fait de ce voyage la plus grosse plaisanterie planétaire de l’histoire diplomatique récente. Une mascarade qui tire son origine de l’expression arabe une «Maskhara», une risée universelle.

C – La Révolution comme alibi

Fraîchement dégagé de l’embargo qui l’étranglait, le pouvoir libyen s’est empressé une nouvelle fois de se vautrer dans ses habitudes si abusivement corrosives tant pour la Libye que pour l’image de l’Arabe dans l’opinion internationale. A l’image des princes du pétrole qu’il dénigre mais dont il est l’égal.

Un tel comportement s’apparente à une imposture doublée d’une calamité, tant ce révolutionnaire de pacotille ne témoigne la moindre considération pour l’austérité endurée par le peuple libyen du fait de la politique erratique de son père, les souffrances du peuple palestinien, les privations des peuples libanais et irakiens, la précarité du monde arabe et sa vassalisation à l’ordre israélo américain.

Le guide de la Révolution avait pourtant assuré dernièrement qu’il avait commis des erreurs et qu’il avait changé. Ce n’est assurément pas le cas, tant aura été brève la rémission et le remords absent. Pas un mot de regret pour tous ses forfaits antérieurs au point que la justice libanaise vient de lui administrer une douloureuse piqûre de rappel par une citation à comparaître, pour lui rafraîchir la mémoire dans son implication dans la disparition du dignitaire religieux libanais. Justifiant son virage et ses multiples reniements, Le colonel Kadhafi a confessé dernièrement, en guise d’excuse absolutoire, qu’il s’était trompé durant la première tranche de son règne. Il se murmure à Tripoli, Benghazi, Sebha et Syrte qu’un cauchemar hante les Libyens, celui de se réveiller un jour avec un Kadhafi leur confessant à nouveau qu’il s’est une nouvelle fois trompé les trente années suivant de son règne.

Trônant sur une nappe de pétrole (1), le doyen des dirigeants arabes contemporains, la trésorerie débordante de devises fortes, a manqué singulièrement de crédit. Nul n’était dupe. Nul ne sera plus dupé. La Fondation Kadhafi pour les droits de l’homme, la structure ad hoc chargée de recycler le dirigeant libyen dans l’honorabilité en réglant au plus fort coût le prix de ses turpitudes passées, notamment l’indemnisation des 288 victimes de Lockerbie ou la libération des otages occidentaux de Mindanao (Philippines) a relevé du domaine du rafistolage. Par ses foucades et ses rebuffades, ce militaire d’apparat et de parade, ce théoricien révolutionnaire de la troisième voie universelle, s’est mû en bouffon des sommets arabes qu’il menaçait régulièrement de quitter, la risée universelle de l’opinion internationale, le désespoir des peuples arabes lassés par ses frasques à répétition.

Le déclic libyen s’est produit dans la foulée de sa défense de son compère tunisien, Zine el Abidine bel Ali, déboulonné après 23 ans de dictature. Un plaidoyer pro domo injustifié pour celui qu’il désignera «le meilleur dirigeant que la Tunisie pouvait avoir», une provocation qui encouragera les Libyens à lui réserver le même sort qu’a son partenaire en affaires. Kadhafi a longtemps été un rescapé politique sans pour autant être assuré d’une pérennité historique. Un parfait exemple d’un naufrage politique. Un parfait contre-exemple d’une éthique du commandement illustré par le comportement de l’héritier du clan, présumé libéral, Seïf Al Islam, qui menacera de partition son pays, pilonnant son peuple au mortier.

D- De «l’Etat des masses populaires» en «Etat des massacres populaires».

La démesure de sa riposte suscitera une levée de boucliers de l‘armée, l’ossature du régime, et la défection de certaines des figures les plus emblématiques du groupe historique des «officiers libres», artisan en 1969 du renversement de la monarchie: Le colonel Abdel Moneim Al-Houni, le colonel Al Khoueildy al Houeidy, le général Abou Bakr Jaber Younes, inamovible commandant en chef de l’armée depuis 30 ans, le général Abdel Salam Awad Al-Hassy, chef opérationnel des forces spéciales et, dernier et non le moindre, son propre cousin, Ahmad-Kadhaf-Ad Dam, l’ancien chef des services de renseignements et émissaire auprès de la France lors du conflit tchado-libyen.

Deux des anciens membres du groupe prendront même la tête de la contestation populaire, l’un à Tripoli, Le colonel Abdel Moneim Al-Houni, et, le second le capitaine Al Khoueildy al Houeidy à Misratah, à l‘Ouest de la capitale, alors que le commandant en chef de l’armée était mis en résidence surveillée.

L’un des rares survivants du groupe révolutionnaire, le colonel Abdel Moneim Al-Houni, abandonnera son poste au Caire de représentant de la Libye auprès de la Ligue arabe dans une démarche de défiance contre les abus de son ancien compagnon d’armes. Joignant le geste à la parole, il prendra la tête de la manifestation anti Kadhafi à Tripoli, le centre névralgique du pays, pour «rallier la Révolution», la vraie, la révolution du peuple, pas celle des charlatans

La défection de son propre cousin, Ahmad Kadhaf ad-Dam, au mépris des règles de la solidarité clanique, fait unique dans les annales tribales, se superposant à la démission en cascade du corps diplomatique libyen à l’étranger, de même que la prise de distance de son ancien secrétaire particulier, Abdel Rahman Chalgham, délégué de la Libye aux Nations Unies, accentueront l’isolement du régime libyen et feront vaciller ses assises.

Ancien ministre des Affaires étrangères et ancien ambassadeur à Rome, M. Chalgham a été l’un des artisans du rapprochement entre la Libye et les pays occidentaux, le négociateur de l’accord accordant cinq milliards de dollars à la Libye par l’Union Européenne en vue de lutter conte l’immigration clandestine africaine à destination de l’Europe.

Au terme de deux semaines de contestation, l’état des lieux de la configuration tribale présentait un paysage complètement bouleversé avec plusieurs provinces en état de sécession ouverte (2), notamment la zone orientale autour de Bengazi et le Fezzan. Seule la zone de Syrte, région natale de Kadhafi et zone de déploiement de la tribu des Kazzafa ainsi que Sebha, qui abrite une forte proportion des membres de la tribu de Kadhafi, dans le sud du pays, n’avaient pas rallié le camp des adversaires du Colonel.

Jouant de la duplicité tout au long de son règne, l’homme qui avait saturé les ondes de la planète de discours à tonalité panafricaniste et pan arabe, attisant le tribalisme sur le plan interne, fondant son pouvoir sur l’antagonisme inter tribal, a été piégé à son propre jeu. La quasi totalité des tribus du pays rallieront le nouveau pouvoir transitoire sans tergiversations, ni état d’âmes tant était profonde la phobie que le guide inspirait.

Dans cette épreuve de force avec ses opposants, le Colonel Kadhafi sera de surcroît handicapé par le bouleversement de la géo stratégie régionale, avec la chute de ses deux alliés naturels, Hosni Moubarak (Egypte) et Zine El Abidine Ben Ali, ainsi que l’absence d’un clair et ferme soutien d’un quelconque pays arabe. La sécession des Touareg, le groupement tribal le plus solidement implanté dans le sud de la Libye, à proximité des frontières de quatre pays africains, (Mali, Niger, Tchad, Soudan), devrait réduire la marge de manœuvre de la branche africaine d’Al Qaeda, l’AQMI, et ses éventuelles interférences sur le théâtre libyen. Auteurs de plusieurs enlèvements dans la zone sahélienne, le verrouillage de la zone frontalière pourrait relancer, à moyen terme, la traque de ses combattants par un meilleur contrôle de ce secteur saharienne réputé pour sa porosité saharienne.

Lors du printemps des peuples arabes, l’hiver 2011, lâché par la quasi totalité de ses anciens compagnons de route, arcbouté sur son noyau familial, Kadhafi, ivre de fureur et de rage, donnera toute la mesure de sa férocité, paradoxalement, à Benghazi même, point de départ de son coup d’état contre la dynastie Senoussi et berceau du héros de l‘indépendance libyenne, Omar Al-Mokhtar, ainsi qu’à Al Bayda (1), siège d’Al Zaouiya Al Bayda, la Confrérie blanche, du nom du siège de la confrérie senoussie.

Arcbouté sur sa proie, épaulé par la garde prétorienne du régime, une milice de 30.000 hommes dirigée par ses quatre fils, Seïf Al-Islam, Mou’tassem Billah (Hannibal), Saadi et Khamis, secondé par un duo de collaborateurs sulfureux, son chef des services secrets Abdallah Senoussi, impliqué dans l’attentat anti français de l’UTA au dessus du Ténéré, et de son ministre des affaires étrangères, Moussa Koussa, le colonel Mouammar Al-Kadhafi subit le dernier quart d’heure de son long mandat.

Retranché dans la caserne militaire d’Al Azizya, à Tripoli, qui lui tient lieu de résidence, abandonné par ses anciens frères d’armes, y compris le commandant en chef de l’armée, le commandant opérationnel des forces spéciales et son ministre de l’intérieur, le colonel Mouammar Al-Kadhafi ploie sous l’assaut de son peuple dans une véritable guerre de libération populaire contre sa dictature.

A l’aide de mercenaires recrutés aux confins de l’Afrique, principalement des Kenyans, de raids aériens incessants menés par des mercenaires de l’Europe de l’Est (Biélorussie, Ukraine, Serbie), il noiera dans un bain de sang et sa révolution et ses compatriotes qui ont bravé son autorité, après en avoir tant bavé pendant 42 ans. Près de six mille tués en deux semaines de contestation, selon la ligue libyenne des droits de l’homme, infiniment plus que le nombre de Tchadiens tués lors des dix ans de la guerre tchado-libyenne dans la décennie 1980.

Tout au long du weekend end du 26 au 27 février 2011, un spectacle surréaliste s’est offert aux observateurs arabes: En direct sur la chaîne transfrontière arabe «Al Jazira», chefs d’unités combattantes des forces spéciales, de la police, de l’administration centrale, des villes, des bourgades et des villages annonçaient leur ralliement à la révolution du 17 février, dans une extraordinaire démonstration de rejet du clan Kadhafi, rejoint, paradoxalement, par le Cheikh d’Al Azhar, l’autorité suprême musulmane d’Egypte, plus timoré lors de la chute du président égyptien Hosni Moubarak, qui invitait les Libyens à se rebeller contre l’autorité de leur guide.

L’annonce samedi 25 février 2011 par l’ancien ministre de la justice de Libye, M. Moustapha Abdel Jalil, de la formation à Benghazi d’un comité national, sorte de Haut comité de salut public, représentatif de toutes les provinces du pays et de ses couches socio politiques en vue de piloter la transition de l’ère post Kadhafi a porté le coup de grâce à la légitimité et à la représentativité du guide de la Jamahiriya.

L’homme tentera de conjurer le sort funeste le 2 mars. Prenant prétexte du 34 me anniversaire de l’instauration de sa Jamahiriya, la populocratie, il reprendra sa vieille antienne d’un pays gouverné par son peuple, qu’il jugera pourtant prudent de gratifier de 500 euros exceptionnelles à titre de bonus pour obtenir sa neutralité dans le conflit. D’un guide sans pouvoir, ni attributs, alors que ses placements à l’étranger sont estimés à près de cent trente milliards de dollars. Il tentera un coup de bluff, en reprenant temporairement une localité à proximité de Benghazi, le terminal pétrolier d’Al-Braiga, dans le golfe de Syrte, le fief de sa tribu, avant d’en être délogé. Pratiquant la dénégation, l’homme parie en son for intérieur sur une intervention américaine dont il espère qu’elle ressouderait la population autour da sa personne ou lui redonnerait l’image d’un martyr: Flambeur impénitent, Kadhafi joue à la roulette russe le sort de son pays.

Revanche posthume de tous les suppliciés innocents du fait pathologique du prince, la chute du tyran, à n’en pas douter, va être accueillie avec une particulière satisfaction par les chiites arabes et l’Iran dont il avait ravi leur chef charismatique à son envol, à l’orée de la décennie 1980.

Sous Kadhafi, pendant 42 ans, La Libye a été l’Albanie de la décennie 1950, la Corée du Nord de la décennie 2000. Arme de destruction massive contre son propre peuple et contre les intérêts généraux du Monde arabe, nulle larme n’a été versée, nulle ne le sera pour ce fossoyeur de la cause nationale arabe, le garde chiourme de l’Europe, le fossoyeur de son peuple dans l’unique guerre qu’il aura véritablement menée. Contre son peuple, le peuple de la Jamahiriya, littéralement «l’état des masses populaires», qu’il transformera, en guise d’épilogue de son bilan sanguinaire, en «Etat des massacres populaires».

Références

1- Quatrième producteur de pétrole en Afrique, avec près de 1,8 million de barils par jour, la Libye possède des réserves évaluées à 42 milliards de barils. Le pétrole libyen représente plus de 20 % des importations d’or noir de l’Irlande, de l’Italie et de l’Autriche et des parts significatives des approvisionnements de la Suisse, la Grèce ou l’Espagne, selon l’Agence internationale de l’Énergie. Sur les 1,8 million de barils par jour (mbj) de pétrole brut produits, la Libye en exporte 1,49 mbj, en immense majorité (85 %) vers l’Europe. Voici les pays qui dépendent le plus du pétrole libyen: Irlande 23,3%, Italie 22,0%, Autriche 21,2%, Suisse 18,7%, France 15,7%, Grèce 14,6%, Espagne 12,1%, Portugal 11,1% Royaume-Uni 8,5% Allemagne 7,7% Chine 3%, Australie 2,3%, Pays-Bas 2,3%, États-Unis 0,5%. Grâce à ses réserves de pétrole et de gaz naturel, la Libye a une balance commerciale en actif de 27 milliards de dollars annuels et un revenu moyen-haut par habitant de 12 mille dollars, six fois plus élevé que celui de l’égyptien. Environ 1,5 million d’immigrés en majorité nord-africains travaillent en Libye.

Une intervention humanitaire ou militaire américaine, conjuguée ou non avec l’Otan, avec ou sans l’accord de l’ONU, permettrait aux États Unis de mettre la main sur le robinet ravitaillant l’économie européenne, dans un contexte marqué par l’exacerbation des rivalités entre les Occidentaux et la Chine pour la répartition des ressources africaines. La Chine, 2me puissance économique mondiale, est déjà présente au Soudan, voisin de la Libye.

Avec environ 5 millions d’entrepreneurs et ouvriers en Afrique, elle a déjà supplanté la France et le Royaume Uni comme 2 me investisseur sur le continent africain. Pour contrer l’influence chinoise, les pays occidentaux ont scellé un partenariat militaire avec l’Union africaine, dont le quartier général sera installé à Addis Abéba. Les États Unis s’appuient en effet sur le Commandement Africa (AfriCom) pour s’en servir comme principal instrument de pénétration en Afrique.

2- La zone orientale du pays, sous influence culturelle égyptienne, (Benghazi et Al-Bayda), a été la première à faire sécession. Jamais véritablement acquise à Kadhafi, la zone rebelle Benghazi, la grande ville portuaire de l’Est du pays, a même repris l’ancien emblème national en vigueur du temps de la Monarchie. L’Emirat de Barka, qui s’étend de la frontière égyptienne au Golfe de Syrte est demeuré fidèle aux traditions de la dynastie senoussie, particulièrement Al Bayda, La Blanche, ville des 250 000 habitants, au cœur du Djebel El Akhdar, La Montagne Verte, est à égale distance à vol d’oiseau (800 km) de Tripoli et d’Alexandrie, mais elle est plus proche par la route de la métropole égyptienne que de la capitale libyenne. Son nom était Al Zaouiya Al Bayda, La Confrérie blanche, du nom du siège de la confrérie senoussie, dont le siège domine la ville. Elle mérite aussi son nom par les abondantes chutes de neige qui la recouvrent en hiver. Vendredi 18 février 2011, Al Bayda aurait été libérée du régime kadhafiste, et la population, appuyée par la police locale, y aurait pris le pouvoir, au terme d’affrontements qui auraient fait près de 200 tués du côté des contestataires.

3- La zone loyaliste: Le centre du pays, autour de Syrte abritent les deux grandes tribus qui se sont partagé le pouvoir sous l’ère post monarchique: Al Kazazafa (la tribu de Kadhafi) et Al Moukarfa (la tribu d’origine du numéro du régime libyen le commandant Abdel Salam Jalloud, évincé du pouvoir en 1993 et d’Abdallah Senoussi, le plus proche collaborateur du Colonel Kadhafi et d’un des inculpés de l’attentat de Lockerbie Al Moukreif. Province choyée et cible d’une expédition punitive de l’aviation américaine, dans la décennie 1980, pour châtier Kadhafi de son soutien au terrorisme, la zone centrale s’est divisée entre partisans et adversaires de Kadhafi. La configuration tribale de la zone qui comporte douze tribus parait partagée entre loyalistes et contestataires. La tribu Al Moukarfa du commandant Jalloud ayant rejoint les contestataires après l’intervention de l’aviation contre la population civile ainsi que les tribus Wazen, Kaba, al Badr, Tiji.

La région capitale qui va de Tripoli à Ghadamès, dans la zone frontalière méridionale. Elle abrite les tribus de Zentane et Ourfala, ralliées à la révolution populaire.

La zone du Fezzan, elle, a, dès le début des troubles, tranché en faveur de la contestation. Les Touaregs, longtemps objet de vexations et de brimades, privés de passeport pour s‘assurer leur soutien, ont rallié très tôt la contestation populaire. Zone frontalière du Mali, du Tchad, du Niger, le trafic à destination de ces pays a été fermé. Abritant la ville de Sebha, base arrière de la guerre du Tchad, dans la décennie 1980, la zone a beaucoup souffert des hostilités et des variations d’humeur du colonel Kadhafi dans sa politique à l’égard de la main d’œuvre africaine.

4- La confrérie «Al Sannoussia» est une confrérie religieuse musulmane fondée à La Mecque, en 1837, par le Grand Senoussi Sidi Mohamad Ben Ali Al-Senoussi Senoussi (1791–1859) qui s’est implantée en Libye et les pays limitrophes (Algérie, Egypte, Soudan, Niger, Soudan et au Tchad). Elle a combattu la présence italienne et française et son chef d’alors, Sidi Mohamad Idriss Al-Mahdi Al Senoussi (1916-1969) avait accédé au trône sous le nom du Roi Idriss Ier. Il sera renversé en 1969 par le coup d’état du colonel Mouammar Kadhafi. Réfugié au Caire, il mourra en 1983. Depuis 1992, son descendant, Sidi Mohamad Ben Al Hassan Al-Senoussi est le prétendant au trône.

Sur le plan religieux, la confrérie se propose d’opérer un retour aux sources du Coran et à l’unité de l’Islam, d’une part, et, de résister à l’occupation européenne du monde arabe et plus particulièrement en Afrique du nord. Son fondateur Mohammed Ben Ali As-Senoussi naquit en Algérie en 1780. Après des études à Fez, qu’il approfondit à La Mecque et à Médine, cet ascète rassembla ses premiers disciples, prêchant dans les pays qu’il traversa. En 1843, ne pouvant rentrer en Algérie, occupée par les Français, il s’établit en Cyrénaïque, dans l’actuelle Libye, où il fonda Zaouïa Al-Beida (le monastère blanc), la première cellule religieuse de la confrérie. Il s’est implantée en Libye et les pays limitrophes (Algérie, Egypte, Soudan, Niger, Soudan et au Tchad). Elle a combattu la présence italienne et française. Son chef d’alors, Sidi Mohamad Idriss Al-Mahdi Al Senoussi (1916-1969) avait accédé au trône sous le nom du Roi Idriss Ier. Il sera renversé en 1969 par le coup d’état du colonel Mouammar Kadhafi. Réfugié au Caire, il mourra en 1983. Depuis 1992, son descendant, Sidi Mohamad Ben Al Hassan Al-Senoussi est le prétendant au trône. Peu avant de mourir le 18 Juin 1992, le prétendant au trône, Hassan Al Rida a nommé son second fils, Sayed Mohammed (né le 20 0ctobre 1962), son héritier. Le Prince vit à Londres. Il hérite d’une situation politique inconfortable. L’opposition libyenne n’a que peu de voix à l’extérieur de son pays et aucune dans son pays. Crée en 1981 à Londres par Mohamed Ben Ghalbon, l’Union Constitutionnelle Libyenne lutte ouvertement pour le rétablissement de la monarchie en faveur des Senoussis.

Omar Al Mokhtar: Héros de l’indépendance libyenne (1862-1931), surnommé « Cheikh des militants », est né en Libye à Zawia Janzour de la tribu arabe Al Abaidi de Mnifa. Omar El Mokhtar est le fils de Mokhtar Ben Omar et d’Aïcha Bent Mohareb. A 16 ans, orphelin de son père, il se rendit en pèlerinage à la Mecque et grandi dans les mosquées des Senoussie. Ses études seront couronnées par sa nomination comme cheikh de la mosquée Al-Okour. Au départ d’Idris Al-Senoussi vers l´Egypte en 1922, Omar Al-Mokhtar prendra la relève du chef de la confrérie, menant pendant vingt ans la guérilla contre l’Italie qui tentait de reconquérir la Libye au prétexte que ce pays constituait une province de l’Empire romain et qu’elle revenait à l’Italie en vertu de ses droits historiques découlant de la succession d’états.

Aucun commentaire: