dimanche 21 septembre 2008

Aucun doute possible

Les élections américaines vont bien donner lieu à une confrontation droite - extrême droite. du moins, c'est ce qui transpire des derniers entretiens de Sarah Palin avec les médias.



Par Bill Van Auken20 septembre 2008
La diffusion sur le réseau ABC trois soirs de suite des entrevues par le chef d'antenne du réseau, Charles Gibson de la candidate à la vice-présidence pour le Parti républicain, Sarah Palin, a dévoilé l'ignorance et les politiques d'extrême droite de la candidate, tout en brodant autour de certaines des questions les plus cruciales à la base de son improbable candidature.La réaction de la campagne d'Obama et du Parti démocrate est tout autant révélatrice. Ils ont laissé Palin dire ce qu'elle voulait durant les entrevues sans réagir, sauf lorsqu'elle a tenté de s'identifier à la sénatrice Hillary Clinton, candidate à l'investiture démocrate. Une réaction colérique en guise de réponse, transmise par la congressiste de la Floride, Debbie Wasserman Shultz, avait plus l'allure d'une contestation contre l'utilisation illégale d'une marque de commerce plutôt qu'une réponse substantielle aux positions de Palin. Les démocrates ont ignoré dans leur réponse à la présentation de Palin ses vues politiques significativement plus à droite que celle de l'administration Bush, incluant une position en politique étrangère qui pose clairement la menace d'une troisième guerre mondiale nucléaire. Par son ton, l'entrevue était sans contredit l’un des échanges les plus particuliers ayant été tenue dans l'histoire récente de la politique américaine. L'approche de Gibson ressemblait parfois à celui d'un professeur impatient et sceptique testant un de ses mauvais élèves. Pour sa part, Palin semblait agir en automate, clairement, elle régurgitait les réponses que les responsables de la campagne républicaine lui ont fait apprendre durant la courte période de deux semaines depuis son élection-surprise comme colistière du sénateur John McCain.Il fait peu de doute que sur les quelque dix millions de téléspectateurs qui ont écouté les entrevues, beaucoup ont été motivé par une curiosité morbide, pour voir si la gouverneure de l'Alaska, pratiquement inconnue jusqu'à ce jour et sans expérience, allait sérieusement se ridiculiser à la télévision nationale. Palin a trébuché sur quelques questions et est demeurée complètement figée lorsque lui a été posée la question sur la « doctrine Bush », une chose avec laquelle elle n'était clairement pas familière, même après que Gibson, pour l'aider, lui eut expliqué de quoi il s’agissait.Derrière l'image fabriquée, les éléments qu'apporte Sarah Palin à la politique américaine sont la bigoterie religieuse et l'hostilité à l'égard des droits démocratiques, l'anti-intellectualisme, un faux semblant de populisme de droite et un appui inébranlable au militarisme américain, en bref, le fond de commerce de la droite républicaine. Les dangers que soulève ce type d'ignorance, d'idées arriérées et de perspective réactionnaire lorsqu'ils sont fusionnés aux pouvoirs d'Etat sont devenus clairs dans l'entrevue d'ABC. Après que Palin eut déclaré son appui à l’admission des anciennes républiques soviétiques de l’Ukraine et de la Géorgie au sein de l’OTAN, Gibson demanda si cela signifiait que les Etats-Unis seraient obligés d’aller en guerre contre la Russie si Moscou envoyait encore des troupes dans la région. « Peut-être que oui » répliqua Palin, comme si cela allait de soi, suggérant que la guerre entre deux pays contrôlant des armes nucléaires en quantité suffisante pour incinérer le monde était la solution la plus évidente à une crise géopolitique. « Je veux dire, c’est l’entente lorsque vous êtes un allié de l’OTAN, si un autre pays vous attaque, vous allez vous attendre à être appelé en renfort pour de l’aide », a-t-elle ajouté.Elle a répété que les actions de la Russie en Géorgie n’avaient « pas été provoquées », et cela, même si le département d’Etat de l’administration Bush lui-même a prétendu avoir mis en garde la Géorgie contre toute tentative de reprendre par les armes les régions autonomes alignées sur la Russie de l’Ossétie du Sud et de l’Abkhazie. Questionnée sur ses connaissances particulières concernant le pays contre lequel elle est si joyeusement prête à aller en guerre, Palin prétendit, erronément, que l’on pouvait apercevoir la Russie de certaines régions de l’Alaska.Pareillement, Palin a été questionnée sur l’attitude que Washington devrait adopter à l’égard d’une décision d’Israël de mener des frappes aériennes contre le programme nucléaire embryonnaire d’Iran.« Bien, premièrement, nous sommes amis avec Israël et je ne crois pas que nous devrions critiquer les mesures qu’Israël doit prendre pour se défendre et pour assurer sa sécurité », répondit Palin.Alors que Gibson insista sur ce point, elle s’accrocha obstinément à cette position, répétant à deux reprises qu’il ne fallait pas « critiquer » les actions d’Israël.
Le Washington Post doit régulièrement « critiquer » de telles décisions – malgré l’indéniable et extraordinaire influence exercée par Israël et le lobby sioniste sur la politique étrangère américaine — mais cette question ne s’est apparemment jamais posée à Palin. Pas plus, semblerait-il, qu’une telle attaque israélienne ferait certainement l’objet de représailles iraniennes dont de possibles attaques contre les troupes de l’occupant américain en Irak, incluant son propre fils, qui y est déployé depuis le 11 septembre. Ensuite, il y eut l’échange sur la « doctrine Bush », à propos duquel beaucoup a été dit dans les médias. Les premières paroles maladroites de Palin sont compréhensibles. Gibson lui demanda, « êtes-vous d’accord avec la doctrine Bush » et elle répondit en indiquant qu’elle croyait qu’il faisait référence à sa « vision du monde ». Cependant, lorsque Gibson poursuivit en indiquant que, non, il parlait plutôt de « la doctrine Bush, celle annoncée en septembre 2002, avant la guerre en Irak », il devint évident que Palin n’avait aucune idée qu’il faisait référence à la doctrine de « guerre préventive » avec laquelle Bush et l’impérialisme américain se sont arrogé le droit d’attaquer militairement tout pays perçu comme une menace aux intérêts de ce dernier.Palin balbutia quelques paroles sur son accord avec les efforts de Bush visant à « débarrasser ce monde de l’extrémisme et des terroristes islamiques qui veulent à tout prix détruire notre nation » et affirma que les « erreurs » commises pourraient être corrigées par l’élection d’un nouveau leadership.Néanmoins, même du point de vue son ignorance, les réponses de Palin ont clairement démontré qu’elle soutenait essentiellement la « doctrine Bush » : un militarisme américain débridé.Lorsqu’on lui demanda si les Etats-Unis avaient le droit de mener des attaques au-delà de la frontière, contre le Pakistan, sans la permission du gouvernement de ce pays — ce qui se produit déjà sous les ordres de la Maison-Blanche de Bush — Palin a répondu : « Afin de stopper les extrémistes islamiques, ces terroristes qui cherchent à détruire les Etats-Unis et nos alliés, nous devons faire tout ce qui est nécessaire sans hésiter, Charlie, en prenant ces dures décisions, à savoir où aller et même qui prendre pour cible. » Voilà le corollaire de Palin à la doctrine Bush : aller n’importe où et cibler n’importe qui, il ne faut simplement pas hésiter.Sur les questions nationales, un mélange d’ignorance et de duplicité a caractérisé les réponses de Palin. Lorsqu’on lui parla de ses désaccords avec McCain sur le réchauffement climatique, elle nia l’existence de tels désaccords et déclara qu’elle croyait que « les activités de l’homme pouvaient certainement contribuer au problème du réchauffement et des changements climatiques ». Toutefois, pas plus tard que l’an dernier, elle répétait fidèlement les mots de l’extrême droite et du lobby du pétrole, affirmant à un quotidien de l’Alaska que, « Je ne suis pas un Al Gore, ni un prophète de malheur environnementaliste qui rejette le blâme des changements climatiques sur l’activité humaine. »Palin a réitéré son opposition bien connue à l’avortement, exigeant que soit invalidée la décision de la Cour suprême dans l’affaire Roe v. Wade et exprimant sa croyance selon laquelle l’avortement devrait être interdit, même dans les cas de viol et d’inceste. Bien que Palin ait décrit cette position comme une « opinion personnelle », Gibson n’a pas tenté d’insister sur le fait qu’elle ne fait pas que défendre une approche Etat par Etat pour l’avortement, mais plutôt qu’elle tente de l’interdire partout au pays, indépendamment des sentiments des femmes pro-choix qu’elle prétend « respecter ».Gibson a ensuite soulevé la question du fait solidement établi que, en tant que mairesse nouvellement élue de Wasilla, elle avait fait pression sur le bibliothécaire de la ville pour qu’il retire des livres jugés inacceptables par la droite chrétienne. Son déni, qualifiant cette histoire de « conte de bonne femme », n’a pas été remis en question.Significativement, les nombreux liens de Palin avec l’extrême droite et le fondamentalisme chrétien n’ont pas du tout été explorés dans l’interview de Gibson. Aucune question n’a été soulevée sur sa relation avec le Parti de l’indépendance de l’Alaska, ni sur ses participations aux conférences de son mari, membre du parti. Ce parti, qui appelle à la sécession de l’Alaska des Etats-Unis, est affilié au Constitution Party, un parti électoral de l’ultra-droite dont le programme incorpore la perspective d’un fascisme biblique.Aucune question ne fut posée sur l’attitude de Palin envers le dominionisme, la doctrine des fondamentalistes chrétiens de droite selon laquelle les Etats-Unis constituent une « nation chrétienne » et que toutes ses lois et institutions devraient être régies selon la loi biblique. La seule référence aux perspectives religieuses et politiques de Palin fut faite par Gibson concernant les paroles prononcées à son église selon lesquelles les troupes américaines menant la guerre criminelle de type colonial en Irak remplissaient « une tâche divine ». Gibson lui demanda si elle croyait que les Etats-Unis « menaient une guerre sainte ».Réponse incroyable de la candidate : elle ne faisait que répéter une déclaration de Lincoln. Bien que les républicains traînent régulièrement le nom de Lincoln dans la boue, ce cas est plutôt extrême, étant donné le mépris bien connu de ce dernier pour la religion organisée. Les médias ou les démocrates n’ont aucun intérêt à révéler cet infâme secret de la politique américaine que la plus importante « base » populaire du Parti républicain — le plus fidèle défenseur des corporations et du capital financier — est formée d’éléments fascistes et de l’extrême droite, y compris des tendances les plus réactionnaires du fondamentalisme chrétien. Dans des circonstances normales, l’ignorance de Palin sur les relations internationales et sa compréhension politique limitée l’auraient disqualifiée de la nomination à la vice-présidence d’un des deux principaux partis de la grande entreprise. La seule raison pour laquelle McCain l’a choisie en tant que colistière était dans le but de « revigorer » sa base ultra-droite.Les démocrates ont décidé d’ignorer complètement cette question. Ils n’ont pas davantage réagi aux déclarations de Palin concernant une guerre contre la Russie et l’Iran. Ayant exprimé son parfait accord avec « l’intensification » en Irak, Obama ne fait d’aucune façon campagne sur une plateforme anti-guerre, mais plutôt en tant que défenseur d’un militarisme américain plus stratégique et même plus robuste. Ainsi, il a lui-même dirigé ses propres déclarations belliqueuses contre la Russie, l’Iran et le Pakistan.Le fait que Palin puisse être envisagée comme la candidate à la vice-présidence du Parti républicain témoigne non seulement de la trajectoire vers l’extrême droite du parti lui-même, mais aussi de la pusillanimité des démocrates et de leur incapacité et réticence à mener toute attaque sérieuse contre le Parti républicain ou l’extrême droite.L’élite dirigeante américaine est clairement en appréhension face à cette stratégie et les dangers d’avoir une personne comme Palin à « un battement de coeur » d’une présidence qui serait occupée par un homme de 72 ans avec d’importants problèmes de santé. Le Washington Post a publié un éditorial sur les entrevues, les qualifiant de « troublantes ». Sa performance, affirme le journal, « ne l’a pas disqualifiée, mais était loin d’être rassurante ».




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