Dans une lettre ouverte du 25/09, Mme Martina Correia, remercie tout le monde et nous livre les horribles détails qui ont précédé l'exécution programmée de son frère Troy Davis (suspendue 90 minutes avant.par la Cour Suprème).
Source Amnesty France (merci pour la traduction) :
"Le 25 septembre 2008
Ceci est une lettre pour dire merci à tous les militants, à tous les hommes d’églises, aux législateurs et hommes de loi, aux laïcs et à tous ceux qui croient dans les droits de l’Homme et la dignité humaine. De la part de ma famille, de ma part, et, le plus important, de la part de mon frère Troy, nous vous disons merci.
Nous savons que la lutte n’est pas terminée, et prions pour que la Cour Suprême des Etats-Unis accepte d’examiner le dossier de Troy, ce qui aura sûrement des conséquences au niveau national pour la protection des innocents dans le cadre des procédures d’appel. Mon cœur est empli de tant d’émotions quand je vois la bonté humaine fleurir pour Troy et grâce à Troy. Je ne peux vous dire à quel point vous êtes tous devenus une bénédiction pour ma famille et mon frère Troy, qui est submergé de lettres, et qui en est ravi.
Les gens me félicitent d’être une « sœur formidable » et une « championne » de la cause de mon frère, et, de temps en temps, ils me demandent « pourquoi », et ma réponse est simplement « si vous connaissiez Troy et pouviez vous assoir seulement trente minutes avec lui, vous sauriez ». Troy est le genre de frère qui rend votre vie tellement plus riche, tellement plus pleine, tellement plus facile, et comme il est dans le couloir de la mort, dans l’attente de son exécution, cela rend aussi la vie tellement plus triste. C’est pour ça que j’ai coutume de dire « Je m’appelle Martina Correia, et je suis dans le couloir de la mort, parce que c’est là que vit mon frère, je ne suis pas condamnée pour meurtre, mon seul crime est d’aimer mon frère Troy. »
L’an dernier, comme beaucoup de vous le savent, Troy est passé à 23 heures d’être exécuté, cette semaine, il est passé à 90 minutes, ça a été de telles « montagnes russes émotionnelles » pour ma famille, mes frères et sœurs, ma mère, mon fils, et spécialement Troy. Des montagnes russes que, j’espère, aucun de vous ne connaitra, les visites pendant les dernières 48 heures, les au-revoir, le poids qui s’abat sur la famille en pensant à l’avenir, les peurs et les larmes pour le meurtre d’Etat qui se prépare.
Savoir que mon frère a été en « death watch » période juste avant l’exécution pour un condamné à mort, entre la fixation de la date d’exécution et l’exécution elle-même, isolé de ses compagnons pendant des semaines, avec pour seul compagne une petite télévision diffusant deux chaines tant bien que mal, une petite radio, et un coup de fil occasionnel à sa famille et à ses amis… On dirait que plus le cas de Troy devenait célèbre, plus il était puni par l’administration carcérale, qui changeait constamment le règlement pour lui briser le moral. Pourtant il reste à prier, et garde le moral, comme s’il était dans un endroit secret.
Par exemple, les prisonniers sur le point d’être exécutés peuvent normalement téléphoner à leurs amis et à leur famille autant qu’ils le souhaitent. Pour Troy, un téléphone spécial a été apprêté, qui, au lieu de couter 5,50$ les 15 minutes, coute 9$ la minute, sans aucune explication de la prison. Pour Troy, la plupart de ses appels vers la famille ou les amis sont restreints ou bloqués.
Ensuite, le règlement a encore changé pendant les dernières 48 heures : ils ont dit à Troy qu’il n’aurait accès au téléphone que deux fois pendant quinze minutes par jour, ses consultations avec son avocat comprises.
Dans les dernières 24 heures, ils ont exclu de sa liste les témoins qu’il avait demandés pour son exécution, en lui disant que la validation était à la discrétion du Département des Corrections,… jusqu’au pasteur de son choix.
Et enfin ils m’ont menacé, moi, sa sœur, si je laissais les medias ou toute autre personne que sa famille lui parler, en me disant qu’on lui couperait définitivement le téléphone.
C’est comme une torture psychologique et ils sont énervés car ils n’ont pas réussi à briser son moral, ni sa foi. Troy subit tout ça, et il reste stoïque, sans colère, toujours à prier, toujours plein d’espoir, toujours à remercier. Je suppose que vous vous demandez pourquoi je vous raconte tout ça dans une lettre de remerciement, eh bien la lutte que nous menons est toujours tellement réelle : nous avons encore plus besoin de votre engagement, de vos voix pour raconter l’histoire de Troy, de votre passion pour obtenir sa libération, de votre détermination à comprendre que le cas de Troy Anthony Davis n’est pas seulement un mouvement contre la peine de mort. Son histoire est une question d’innocence, de justice, un défi au système de gouvernement en Georgie, qui est haineux, malveillant et empli de défiance. Comme ils ne peuvent pas nous abattre, ils s’en prennent à Troy : il a la force de faire front, tant que nous avons la volonté de continuer la lutte !
Là, je suis assise sur mon lit, épuisée et pourtant pleine de joie et d’incertitude, ressentant les effets de sept ans et demi de chimiothérapie intense , et je pense à ce jour du 23 septembre 2008, lorsque nous sommes entrés sur le parvis de la prison le Georgia Diagnostic & Classification Prison, j’avais envie de pleurer et je n’y arrivais pas, je voulais hurler mais je n’y arrivais pas, je voulais tout quitter mais je ne le pouvais pas.
Alors j’ai regardé l’expression sur le visage de mon fils, qui, pour la première fois en 14 ans de visite des couloirs de la mort, assistait au déploiement d’une centaine de membres des SWAT , de gardiens de prison avec des dizaines de chiens et l’arme au poing, tout ça parce que l’Etat de Georgie voulait tuer son oncle Troy.
Je n’avais vu autant de forces de police déployées qu’à la télévision, des images qui datent de la période de la lutte pour les droits civiques. Ma première pensée a été « reste polie, suis les instructions, et on va s’en sortir » ; ma deuxième pensée a été de me dire à quel point le cas de Troy est devenu puissant, à quel point ils ont peur que s’il reste en vie, cela ébranle le système et expose la vérité au grand jour ; et ma dernière pensée a été d’imaginer comment ils devaient traiter mon frère à l’intérieur des murs de la prison.
Lorsque nous y sommes entrés, l’ascenseur pour handicapés ne marchait toujours pas, et ce depuis presque un an. Nous avons du porter deux membres de la famille par les escaliers. Durant les visites, ils autorisaient cinq personnes à la fois, et nous avions tous en tête le tic-tac de la montre. Je suis là, à organiser les visites, et je prie pour que personne ne me demande « comment vas-tu, as-tu besoin de quelque chose », je regarde à travers toute la pièce et je détourne le regard des amis ou de la famille qui sont peut-être sur le point de pleurer.
Voilà, la visite est terminée, nous sommes poussés vers la sortie autour de 15h. J’emmène ma mère et ma famille jusqu’au « New Hope », un endroit ou sont pris en charge et accueillis les familles de condamnés à mort.
Je remonte dans ma voiture pour retourner à la prison et y retrouver le Révérend Al Sharpton , et nous entrons sur le parvis de la prison où nous attendent le spectacle des forces de police, et les médias prêts à bondir.
Les gardes hurlent sur le Révérend Sharpton et nous entrons dans une zone délimitée pour les soutiens de Troy. Là, il y a une complète étrangère, et je me dis, « une petite femme blanche du Texas qui a entendu parler de Troy », et qui me dit « Etes vous Martina », et je dis oui. Et j’ai ensuite réalisé que c’était une femme qui m’avait envoyé un email, et qui, quoi qu’elle ait à faire par ailleurs, voulait juste être là pour Troy. Voilà, la presse arrive pour enregistrer nos voix, un bus plein de militants arrive aussi dans la zone, et à ce moment, l’un des avocats nous dit qu’il y a un sursis. Nous sommes tellement contents, excités, plein de prières, et maintenant plein d’espoirs.
La dernière prière de Troy a commencé par une prière pour la famille du policier Mac Phail, ensuite pour sa famille, et enfin pour les personnes qui ont menti contre lui, après quoi il a demandé à Dieu d’épargner sa vie.
L’Etat est tellement prêt à tuer Troy qu’ils ont déjà programmé le temps pour ses dernières prochaines visites entre 6h et 9h lundi prochain, et qu’ils nous ont déjà demandé une nouvelle liste pour les derniers visiteurs qu’il souhaite recevoir avant son exécution.
Martina Correia"
....Continuons de provoquer et d'accuser en France comme en Europe les grands médias et leur honteux silence devant cette barbarie !
Continons d'écrire au Comité des Grâces qui peut à tout moment revenir sur sa décision, espérons une suspension de la Cour Suprème qui se réunit aujourd'hui 29/09 !
Merci,
Bernard-Blaise Posso (cinéaste, correspondant pour la National Coalition to Abolish Death Penalty et membre actif d'Amnesty Sud USA).
Source Amnesty France (merci pour la traduction) :
"Le 25 septembre 2008
Ceci est une lettre pour dire merci à tous les militants, à tous les hommes d’églises, aux législateurs et hommes de loi, aux laïcs et à tous ceux qui croient dans les droits de l’Homme et la dignité humaine. De la part de ma famille, de ma part, et, le plus important, de la part de mon frère Troy, nous vous disons merci.
Nous savons que la lutte n’est pas terminée, et prions pour que la Cour Suprême des Etats-Unis accepte d’examiner le dossier de Troy, ce qui aura sûrement des conséquences au niveau national pour la protection des innocents dans le cadre des procédures d’appel. Mon cœur est empli de tant d’émotions quand je vois la bonté humaine fleurir pour Troy et grâce à Troy. Je ne peux vous dire à quel point vous êtes tous devenus une bénédiction pour ma famille et mon frère Troy, qui est submergé de lettres, et qui en est ravi.
Les gens me félicitent d’être une « sœur formidable » et une « championne » de la cause de mon frère, et, de temps en temps, ils me demandent « pourquoi », et ma réponse est simplement « si vous connaissiez Troy et pouviez vous assoir seulement trente minutes avec lui, vous sauriez ». Troy est le genre de frère qui rend votre vie tellement plus riche, tellement plus pleine, tellement plus facile, et comme il est dans le couloir de la mort, dans l’attente de son exécution, cela rend aussi la vie tellement plus triste. C’est pour ça que j’ai coutume de dire « Je m’appelle Martina Correia, et je suis dans le couloir de la mort, parce que c’est là que vit mon frère, je ne suis pas condamnée pour meurtre, mon seul crime est d’aimer mon frère Troy. »
L’an dernier, comme beaucoup de vous le savent, Troy est passé à 23 heures d’être exécuté, cette semaine, il est passé à 90 minutes, ça a été de telles « montagnes russes émotionnelles » pour ma famille, mes frères et sœurs, ma mère, mon fils, et spécialement Troy. Des montagnes russes que, j’espère, aucun de vous ne connaitra, les visites pendant les dernières 48 heures, les au-revoir, le poids qui s’abat sur la famille en pensant à l’avenir, les peurs et les larmes pour le meurtre d’Etat qui se prépare.
Savoir que mon frère a été en « death watch » période juste avant l’exécution pour un condamné à mort, entre la fixation de la date d’exécution et l’exécution elle-même, isolé de ses compagnons pendant des semaines, avec pour seul compagne une petite télévision diffusant deux chaines tant bien que mal, une petite radio, et un coup de fil occasionnel à sa famille et à ses amis… On dirait que plus le cas de Troy devenait célèbre, plus il était puni par l’administration carcérale, qui changeait constamment le règlement pour lui briser le moral. Pourtant il reste à prier, et garde le moral, comme s’il était dans un endroit secret.
Par exemple, les prisonniers sur le point d’être exécutés peuvent normalement téléphoner à leurs amis et à leur famille autant qu’ils le souhaitent. Pour Troy, un téléphone spécial a été apprêté, qui, au lieu de couter 5,50$ les 15 minutes, coute 9$ la minute, sans aucune explication de la prison. Pour Troy, la plupart de ses appels vers la famille ou les amis sont restreints ou bloqués.
Ensuite, le règlement a encore changé pendant les dernières 48 heures : ils ont dit à Troy qu’il n’aurait accès au téléphone que deux fois pendant quinze minutes par jour, ses consultations avec son avocat comprises.
Dans les dernières 24 heures, ils ont exclu de sa liste les témoins qu’il avait demandés pour son exécution, en lui disant que la validation était à la discrétion du Département des Corrections,… jusqu’au pasteur de son choix.
Et enfin ils m’ont menacé, moi, sa sœur, si je laissais les medias ou toute autre personne que sa famille lui parler, en me disant qu’on lui couperait définitivement le téléphone.
C’est comme une torture psychologique et ils sont énervés car ils n’ont pas réussi à briser son moral, ni sa foi. Troy subit tout ça, et il reste stoïque, sans colère, toujours à prier, toujours plein d’espoir, toujours à remercier. Je suppose que vous vous demandez pourquoi je vous raconte tout ça dans une lettre de remerciement, eh bien la lutte que nous menons est toujours tellement réelle : nous avons encore plus besoin de votre engagement, de vos voix pour raconter l’histoire de Troy, de votre passion pour obtenir sa libération, de votre détermination à comprendre que le cas de Troy Anthony Davis n’est pas seulement un mouvement contre la peine de mort. Son histoire est une question d’innocence, de justice, un défi au système de gouvernement en Georgie, qui est haineux, malveillant et empli de défiance. Comme ils ne peuvent pas nous abattre, ils s’en prennent à Troy : il a la force de faire front, tant que nous avons la volonté de continuer la lutte !
Là, je suis assise sur mon lit, épuisée et pourtant pleine de joie et d’incertitude, ressentant les effets de sept ans et demi de chimiothérapie intense , et je pense à ce jour du 23 septembre 2008, lorsque nous sommes entrés sur le parvis de la prison le Georgia Diagnostic & Classification Prison, j’avais envie de pleurer et je n’y arrivais pas, je voulais hurler mais je n’y arrivais pas, je voulais tout quitter mais je ne le pouvais pas.
Alors j’ai regardé l’expression sur le visage de mon fils, qui, pour la première fois en 14 ans de visite des couloirs de la mort, assistait au déploiement d’une centaine de membres des SWAT , de gardiens de prison avec des dizaines de chiens et l’arme au poing, tout ça parce que l’Etat de Georgie voulait tuer son oncle Troy.
Je n’avais vu autant de forces de police déployées qu’à la télévision, des images qui datent de la période de la lutte pour les droits civiques. Ma première pensée a été « reste polie, suis les instructions, et on va s’en sortir » ; ma deuxième pensée a été de me dire à quel point le cas de Troy est devenu puissant, à quel point ils ont peur que s’il reste en vie, cela ébranle le système et expose la vérité au grand jour ; et ma dernière pensée a été d’imaginer comment ils devaient traiter mon frère à l’intérieur des murs de la prison.
Lorsque nous y sommes entrés, l’ascenseur pour handicapés ne marchait toujours pas, et ce depuis presque un an. Nous avons du porter deux membres de la famille par les escaliers. Durant les visites, ils autorisaient cinq personnes à la fois, et nous avions tous en tête le tic-tac de la montre. Je suis là, à organiser les visites, et je prie pour que personne ne me demande « comment vas-tu, as-tu besoin de quelque chose », je regarde à travers toute la pièce et je détourne le regard des amis ou de la famille qui sont peut-être sur le point de pleurer.
Voilà, la visite est terminée, nous sommes poussés vers la sortie autour de 15h. J’emmène ma mère et ma famille jusqu’au « New Hope », un endroit ou sont pris en charge et accueillis les familles de condamnés à mort.
Je remonte dans ma voiture pour retourner à la prison et y retrouver le Révérend Al Sharpton , et nous entrons sur le parvis de la prison où nous attendent le spectacle des forces de police, et les médias prêts à bondir.
Les gardes hurlent sur le Révérend Sharpton et nous entrons dans une zone délimitée pour les soutiens de Troy. Là, il y a une complète étrangère, et je me dis, « une petite femme blanche du Texas qui a entendu parler de Troy », et qui me dit « Etes vous Martina », et je dis oui. Et j’ai ensuite réalisé que c’était une femme qui m’avait envoyé un email, et qui, quoi qu’elle ait à faire par ailleurs, voulait juste être là pour Troy. Voilà, la presse arrive pour enregistrer nos voix, un bus plein de militants arrive aussi dans la zone, et à ce moment, l’un des avocats nous dit qu’il y a un sursis. Nous sommes tellement contents, excités, plein de prières, et maintenant plein d’espoirs.
La dernière prière de Troy a commencé par une prière pour la famille du policier Mac Phail, ensuite pour sa famille, et enfin pour les personnes qui ont menti contre lui, après quoi il a demandé à Dieu d’épargner sa vie.
L’Etat est tellement prêt à tuer Troy qu’ils ont déjà programmé le temps pour ses dernières prochaines visites entre 6h et 9h lundi prochain, et qu’ils nous ont déjà demandé une nouvelle liste pour les derniers visiteurs qu’il souhaite recevoir avant son exécution.
Martina Correia"
....Continuons de provoquer et d'accuser en France comme en Europe les grands médias et leur honteux silence devant cette barbarie !
Continons d'écrire au Comité des Grâces qui peut à tout moment revenir sur sa décision, espérons une suspension de la Cour Suprème qui se réunit aujourd'hui 29/09 !
Merci,
Bernard-Blaise Posso (cinéaste, correspondant pour la National Coalition to Abolish Death Penalty et membre actif d'Amnesty Sud USA).
1 commentaire:
Selon les médias d'Atlanta, la Cour Suprême qui s'est réunie aujourd'hui, ferait connaître sa décion plus tard. On parle du 6 octobre...
Il n'y aurait donc pas de crainte à avoir pour cette nuit (heure Française) ou demain...
Il faut absolument continuer d'envoyer vos pétitions au comité des Grâces,
et continuer d'alerter vos médias régionaux,
à défaut de dénoncer le scandaleux mutisme de vos télévisions !!!!
Bernard Blaise Posso
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