samedi 6 septembre 2008

REPARATION DES TORTS DE LA COLONISATION:la mauvaise conscience de la France.








Nicolas Sarkozy refuse d'assumer le passé colonial de son pays. Comme si l'histoire de la France ne commence qu'avec son accession au pouvoir, le président Sarkozy semble vouloir effacer d'un coup de baguette magique cette page sombre pour les pays africains victimes d'une prétendue mission civilisatrice. Mais il est impossible d'écrire l'histoire selon ses humeurs. Celle de la colonisation est là, têtue.

L'Italie de Silvio Berlusconi aurait pu avancer les mêmes arguments que la France, à savoir qu'elle n'est en rien responsable du fait colonial, pour refuser l'arrangement conclu avec la Libye. Mais parce que les dirigeants actuels à Rome ont le sens de la continuité de l'Etat, ils ont pris leur courage à deux mains pour réparer les torts commis par leurs prédécesseurs.

Comme rongée par une sorte de remords, la France s'est empressée de minimiser l'acte posé par l'Italie. Bernard Kouchner, le ministre des Affaires étrangères, a en effet affirmé que le geste de l'Italie n'est "ni un précédent, ni une référence". On comprend cette frilosité de la France quand il s'agit de son passé colonial. Si le pays en était arrivé à vouloir adopter une loi vantant le "rôle positif" de la colonisation, c'est qu'il renie son passé douloureux. Les Français sont-ils également prêts à rejeter, dans les poubelles de la mémoire, les grands penseurs qui ont fait sa gloire?

Autant les valeurs d'humanisme portées par les philosophes du siècle des Lumières sont bonnes à vanter dans les universités les plus prestigieuses et brandies comme un héritage glorieux de la France, autant la période coloniale doit être assumée. Ce sont les deux faces d'une même médaille.

La rupture sarkozienne aurait pu cependant s'exprimer positivement dans ce dossier. Au lieu de continuer à vouloir cacher le soleil avec la main, en excluant l'idée même de repentance, la France serait rentrée dans l'histoire si elle reconnaissait le drame de son entreprise coloniale. Aimé césaire, le poète martiniquais, devrait d'ailleurs être relu par les tenants du discours sur la non-repentance, pour se rafraîchir la mémoire et, peut-être, envisager d'expier ce grand péché qui entache la France des droits de l'Homme. L'équation de Césaire est simple: colonisation ¬= chosification.

Si donc, il est indécent de continuer à parler de "bienfaits" de la colonisation, il apparaît nécessaire de faire son introspection et d'en tirer les conclusions. Car il s'agit d'un fait grave, d'une "machine exploiteuse d'hommes et déshumanisante", selon les mots de Césaire. Que faire alors pour réparer cet incommensurable tort porté contre des peuples qui, depuis lors, ont du mal à s'en relever?

L'Algérie, qui est à la pointe du combat pour une reconnaissance de la barbarie de la colonisation, a jusque-là demandé la repentance. Occupée pendant plus de 130 ans, elle n'a dû son indépendance, en 1962, qu'à une guerre de libération très féroce. Elle sait donc ce que la colonisation lui a coûté. Mais même ce geste symbolique, la France rechigne à le faire, Nicolas Sarkozy ayant exclu toute idée de repentance. Elle préfère traîner avec elle la mauvaise conscience du drame colonial plutôt que d'y mettre fin par un acte fort.

Par Mahorou KANAZOE © Copyright Le Pays




Discours de Sarkozy du 7 février 2007, à Toulon. « Le rêve européen a besoin du rêve méditerranéen. Il s’est rétréci quand s’est brisé le rêve qui jeta jadis les chevaliers de toute l’Europe sur les routes de l’Orient, le rêve qui attira vers le sud tant d’empereurs du Saint Empire et tant de rois de France, le rêve qui fut le rêve de Bonaparte en Egypte, de Napoléon III en Algérie, de Lyautey au Maroc. Ce rêve qui ne fut pas tant un rêve de conquête qu’un rêve de civilisation


Cessons de noircir le passé. L’Occident longtemps pécha par arrogance et par ignorance. Beaucoup de crimes et d’injustices furent commis. Mais la plupart de ceux qui partirent vers le Sud n’étaient ni des monstres ni des exploiteurs. Beaucoup mirent leur énergie à construire des routes, des ponts, des écoles, des hôpitaux. Beaucoup s’épuisèrent à cultiver un bout de terre ingrat que nul avant n’eux n’avait cultivé. Beaucoup ne partirent que pour soigner, pour enseigner. On peut désapprouver la colonisation avec les valeurs qui sont les nôtres aujourd’hui. Mais on doit respecter les hommes et les femmes de bonne volonté qui ont pensé de bonne foi œuvrer utilement pour un idéal de civilisation auquel ils croyaient. Il faut respecter ces milliers d’hommes et de femmes qui toute leur vie se sont donné du mal pour gagner par eux-mêmes de quoi élever leurs enfants sans jamais exploiter personne et qui ont tout perdu parce qu’on les a chassés d’une terre où ils avaient acquis par leur travail le droit de vivre en paix, une terre qu’ils aimaient, parmi une population à laquelle les unissait un lien fraternel.
Je veux le dire à tous les adeptes de la repentance qui refont l’histoire et qui jugent les hommes d’hier sans se soucier des conditions dans lesquelles ils vivaient, ni de ce qu’ils éprouvaient.
Je veux leur dire : de quel droit les jugez vous ?"

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